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En mal d’inspiration depuis plusieurs mois, Tim venait enfin de trouver le titre de son prochain film : Prog’attack. L’histoire raconterait l’invasion de la terre par des lutins mutants dont l’ADN aurait été trafiqué un soir d’orgie dans un champ OGM (d’accord cela sent le réchauffé, mais, que voulez-vous, le niveau d’inspiration des fins de mois rejoint celui des comptes en banque, on nage sous la ligne de flottaison). Jean Luc Godard accepterait d’écrire le scénario, convaincu de la portée apologétique de l’œuvre, Jean Lefebvre le rôle principal et Vanessa Demouy d’entamer une carrière prometteuse au cinéma. Il se disait même qu’Edouard Balladur apparaîtrait furtivement suite à l’immense succès de son dernier blockbuster "Je vous demande de vous arrêter". Pour la musique Magenta ferait l’affaire. Son nouveau disque, "Seven", traînait d’ailleurs sur le bureau de Tim, perdu au milieu d’un fatras de brouillons et autres scripts (for a jester’s tear, quand je vous parlais des errances de l’inspiration). Non pas que Magenta fût le meilleur des groupes de rock progressif, Tim le savait pertinemment, mais sa musique représentait parfaitement le genre. Abreuvée à la source des grands anciens, Genesis et Yes, elle en appliquait les recettes avec talent et méthode ; à tel point que "gluttony", qui débutait l’album du haut de son presque quart d’heure, pouvait figurer sur "Fragile" ou "Drama" (si, si, tendez l’oreille) tellement la grammaire "yessienne" y était doctement déclinée. Magenta appréciait les longs développements : sur sept morceaux que contenait "Seven", cinq dépassaient allègrement dix minutes. L’écoutant une énième fois, Tim sourit : il était touché par la beauté de l’ensemble, la grâce du chant sensuel de Christina Booth, la solidité des compositions. Parfois cependant une gêne survenait ; pour superbe que sonnait "Seven", il n’évitait pas toujours l’accusation de contrefaçon. Il se ravisa car Magenta venait quand même de sortir un disque proposant à perfection la quintessence du néo-progressif, dont la fluidité des compositions, ni touffues, ni ampoulées, autorisait l’ambition et bannissait la prétention. Non, décidément cette musique ne manquait pas de charme.
Tim bâilla, il était tard, ou tôt (à cette heure avancée de la nuit personne ne pouvait en décider officiellement), se dévisagea dans un miroir poussiéreux, inséra dans une platine vétuste un CD de Charly Oleg et, pensant à son futur chef-d’œuvre, s’exclama "formidable !".
Note : 4/5
Stéphane Müller
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