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Depuis plusieurs années, Lisa Gerrard s'est attelée à la création de musiques de films, souvent en collaboration, et seulement 2 albums solos ont vu le jour depuis 1995. Bien que la musique de "Whale rider" lui soit entièrement due, "Immortal memory" est le premier véritable album de Lisa depuis "Duality" (en duo avec le multi-instrumentiste Pieter Bourke en 98). Cette fois encore, il s'agit d'une collaboration, avec le musicien classique irlandais Patrick Cassidy, qui a co-signé tous les titres et même complètement composé le dernier.
S'éloignant quelque peu des contrées sombres des albums précédents dans sa carrière, au sein de Dead Can Dance ou en solo, "Immortal memory" est néanmoins un album solennel mais lyrique, simple, dépouillé, dont plusieurs morceaux sonnent comme des prières. Les superbes orchestrations (probablement produites par des synthétiseurs) représentent 90% des arrangements. On entend aussi un orgue d'église sur le long morceau final en latin "psallit in aure dei", très proche de la musique sacrée. Il y a tout juste un peu de percussion sur "sailing to byzantium"… et encore, assez peu. "Immortal memory" nous offre une musique éthérée, plus harmonique que mélodique (encore que plusieurs thèmes vous obsèdent facilement). Durant près d'une heure, ces pièces souvent assez longues (10 morceaux de 4 à 9 mn) témoignent d'influences classiques couvrant plusieurs périodes… parfois plus modernes, avec quelques éléments vaguement orientalisants, mais beaucoup moins qu'il fût un temps chez Gerrard et Dead Can Dance.
Pour une fois, quelques morceaux possèdent de véritables paroles, à côté des vocalises habituelles. Ce sont des textes souvent courts, voire très courts : 2 lignes de Yeats par exemple, suffisent à bâtir l'irrésistible "sailing to byzantium" (3:57), et ils sont interprétés en anglais, mais aussi en araméen et en latin ! La voix de Lisa est plus magnifique que jamais, presque désincarnée tellement elle semble être au-delà de ce monde et pourtant profondément sensible, émouvante, mystique. Elle passe toujours des aigus sublimes ("immortal memory", "elegy") aux graves dignes de contraltos d'opéra ("abwoon"), en intégrant toujours quelques traces de chant bulgare (nettement moins qu'auparavant).
Quiconque aime les grandes voix de ce monde et la musique classique -car c'est de cela qu'il s'agit ici, à mon avis- ne peut manquer d'écouter cet album, probablement son plus accessible et en même temps le plus profondément beau et émouvant. Même s'il peut paraître un peu monotone au premier abord, ce n'est qu'une apparence et son écoute attentive et répétée (je vous conseille ça le soir, dans le noir et au casque !) ne peut laisser aucun mélomane insensible. Magique.
Marc Moingeon
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