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Tony Banks, le discret claviériste de Genesis, est un grand amateur de classique et ses participations occasionnelles à quelques musiques de films lui ont donné envie de travailler avec des textures sonores plus complexes que les habituels synthés. Après avoir financé lui-même cet enregistrement avec le London Philhamonic Orchestra sous la direction de Mike Dixon en 2002, Banks sort finalement ce disque sur la maison anglaise Naxos, célèbre pour ses prix extrêmement bas (moins de 8 euros le CD) mais aussi pour ses enregistrements récents et souvent de très bonne qualité. C'est donc tant mieux pour les mélomanes !
"Seven" est une suite pour orchestre de près d'une heure, divisée en 7 parties de 5 à 12 minutes environ, pas un concerto pour piano, comme certains auraient pu s'y attendre. Le piano est d'ailleurs très peu utilisé, Banks en joue uniquement sur 3 des 7 pièces et celui-ci n'est qu'un élément de l'orchestre, pas un instrument soliste.
Loin d'être une ?uvre prétentieuse, "Seven" n'est pas non plus un disque de "musique d'ambiance", ainsi que certains esprits méprisants ne manqueront pas de le dire ! Il serait stupide de le mettre en musique de fond car c'est souvent le meilleur moyen pour ne rien retenir d'un album classique. Et pourtant, "Seven" est aussi très accessible. Lorsque l'on connaît ce qu'a écrit Banks dans Genesis ("mad man moon", "one for the wine", "undertow") et ses albums solos comme "Soundtracks", puis que l'on écoute sérieusement "Seven", on retrouvera assez aisément certaines caractéristiques typiques de son écriture, dans une forme sensiblement plus complexe. Banks a eu recours à un orchestrateur (Simon Hale) mais il a dirigé ce projet de très près, en veillant à ce que le résultat final soit fidèle à ses démos.
Cette musique est tout simplement belle, pastorale, souvent calme et romantique avec de belles envolées symphoniques ("spring tide", les plus simples "earthlight" et "neaptide"), parfois dynamique et joyeuse ("the ram"), ou bien inquiète et plus pesante ("black down"), parfois tout cela à la fois. "The gateway" ressemble parfois à une valse fin 19ème, mais pourtant le morceau décolle plus d'une fois pour devenir grandiose. "The ram" représente une sorte de fuite en avant, souvent dramatique puis finalement assez joyeux et véritablement magnifique. Le très long "the spirit of gravity" est un vrai chef-d'?uvre aux nombreuses sections très contrastées. Curieusement, il contient une coda relativement proche du thème de "end peace" sur l'album "Single factor" de Camel !
Côté références, disons que "seven" paraît très "anglais". On peut penser à Vaughan-Williams et Elgar. Des pièces calmes de Mahler peut-être (le fameux adagio de la 5ème symphonie, par exemple), voire Sibelius. Mais c'est surtout du Tony Banks. Ce dernier préfère nettement les cordes et les bois aux cuivres, c'est assez évident, même si ces derniers sont loin d'être absents et il y aussi quelques percussions classiques ici et là.
Voici un album qu'on peut qualifier de charnière. Trop souvent, on pense qu'un compositeur classique "contemporain" n'est capable que de sortir une musique dissonante, voire atonale. Or d'autres compositeurs du 20ème siècle, probablement méprisés de leurs pairs plus intellos, demeurent fidèles à une tradition musicale séculaire et cultivent une certaine idée du beau et du lyrisme symphonique. Certains s'expriment d'ailleurs dans les musiques de film.
Bien qu'issu au départ du milieu rock, Tony Banks pourrait être assimilé à ceux-ci. Sur cet enregistrement d'excellente qualité, sa musique se contente de charmer et d'apporter un peu de bien-être, pour peu que l'on veuille bien se laisser prendre. C'est mon cas. Et puis cet album pourrait être l'occasion, pour certains "progueux", de découvrir enfin la véritable signification du terme "symphonique", tellement galvaudé dans le genre ! Simplement superbe.
Note : 4/5
Marc Moingeon
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