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Tom Scholz : perfectionniste jusqu'au bout des ongles
La discographie commentée de Boston et projets satellites
(article paru dans Koid9 n°47 - Octobre 2003)
La parution simultanée du nouvel album de Boston (après 8 ans de silence radio !) et d’un disque hommage à cette formation légendaire de rock mélodique nous conduit à vous offrir cette rétrospective détaillée. Boston, c’est avant tout son compositeur/multi-instrumentiste Tom Scholz, ingénieur chez Polaroïd et artisan-perfectionniste du son. Avant tout le monde, le musicien s’est construit un studio à domicile. Il y a expérimenté de nouvelles sonorités qui ont révolutionné le rock business américain. Lorsqu’on parle de Boston, on pense tout de suite aux millions d’albums vendus, à la sophistication extrême de sa musique, au règne du hard-FM et… à la lenteur d’accouchement de ses albums. En effet, en 27 ans, Boston n’aura produit que 5 disques studio (de moins de 45 minutes chacun !) et 1 "Best of" Il ne faut pas le bousculer, Tom Scholz, sinon il se fâche : à trop vouloir le brusquer, la major CBS s’y est cassé les dents ! A côté de cette faible production discographique, certains musiciens de Boston ont participé à des projets parallèles auxquels nous allons également nous intéresser. Embarquons, sans plus attendre, dans la navette Boston…
BOSTON - Boston (1976)
Le premier album de Boston marque la naissance du hard FM. Ce disque vendu à plus de 16 millions d’exemplaires n’est pourtant pas le fait d’un super-groupe. Sur la pochette, cinq musiciens totalement inconnus et pas spécialement sexy : chevelus, moustachus ou barbus pour la plupart. Un individu semble sortir du lot, un grand escogriffe du nom de Tom Scholz, guitariste, claviériste et compositeur de toutes les musiques. Au chant et aux textes on découvre Brad Delp ; à la deuxième guitare Barry Goudreau ; à la batterie Sib Hashian et à la basse Fran Sheehan. A priori, ce groupe est uni comme les 5 doigts de la main. La réalité est bien différente. L’album est l’œuvre d’un seul homme, Tom Scholz. Aidé de 2 amis, Bradley Delp (chant) et Jim Masdea (batterie), il a composé et enregistré une superbe maquette dans son studio personnel pendant son temps libre. Le processus d’enregistrement a pris plusieurs années (Tom joue de tous les instruments, il double, voire triple ses parties de guitare) et sitôt la maquette terminée, il la présente à CBS. La major est enthousiasmée par l’album, mais elle exige qu’il soit le fruit d’un groupe à part entière. Elle impose à Scholz et à Delp, la paire rythmique Hashian/Sheehan. L’ami d’enfance Barry Goudreau vient renforcer Tom. Hashian rejoue les parties de batterie à l’identique, Barry Goudreau rajoute 2 solos de guitare slide et Sheehan… ne fait rien. A peine sorti, les ventes de l’album explosent ! C’est totalement justifié, car ce disque est un véritable chef d’œuvre. Les mélodies haut de gamme et les harmonies vocales rappellent les grandes formations américaines du type Eagles ou America, tandis que les arrangements et l’instrumentation (orgue Hammond, cassures de rythmes, orchestre de guitares) évoquent le rock progressif. Tom Scholz n’a d’ailleurs jamais caché son goût prononcé pour la progressive : "Boston a une vision progressiste", aimait-il à répéter dans les interviews de l’époque. "Boston" fait partie de mes disques de chevets. Sa pochette emblématique représentant des soucoupes volantes en forme de guitare invite à la rêverie. La 1ère face, composé de 3 titres fait carton plein. "More than a feeling", très proche du rock progressif dans sa construction, devient un gros tube encore joué aujourd’hui sur les stations FM américaines. A noter les "hand claps" typiques du son Boston. "Peace of mind" est un titre plus enlevé où les guitares en tierces font merveille. "Foreplay/long time" (7’50) s’amorce de manière très prog par un orgue véloce avant de s’orienter vers un format plus calibré. La seconde face est également très intéressante notamment les pêchus "rock’n roll band" et "smokin’ " (ah, son solo d’orgue central… Un classique !). S’il ne fallait retenir qu’un album de Boston, ce serait indéniablement celui-là ; mais si vous l’aimez comme je l’aime, je doute que vous vous arrêtiez à ce seul disque ! (19/20)
BOSTON - Don’t look back (1978)
Après une tournée qui popularise Boston, un second album voit le jour. Sa pochette est quasiment identique à celle du 1er disque. La musique également : un hard-rock mélodique hyper-sophistiqué, surproduit, flirtant avec le progressif… "Don’t look back" est le petit frère de "Boston", l’effet de surprise en moins. Le matériel semble avoir été composé, voire même enregistré, à la même époque que le précédent album. En tous cas, la réussite est une nouvelle fois au rendez-vous grâce à des splendeurs comme "don’t look back", "it’s easy", "feeling satisfied", "party", "used to bad news" et surtout la longue complainte "a man I’ll never be". Un court instrumental spatial "the journey" aère même la 1ère face (encore une fois la meilleure des deux). "Don’t look back" va de nouveau s’arracher comme des petits pains : 8 millions d’exemplaires vendus !
Tout semble sourire à Boston, qui en 2 disques devient le plus grand groupe américain en terme de ventes (loin devant Kansas, Styx ou Journey, trois formations qui lui ont emboîté le pas du succès dans le style "stadium rock"). Pourtant, Tom scholz, effrayé par la notoriété soudaine de son groupe est en panne d’inspiration. Pressé par CBS pour donner un successeur à "Don’t look back", il veut prendre son temps : il faudra 8 ans pour qu’un 3ème album voit le jour… Les autres musiciens, lassés d’attendre un signe du "maître", jettent l’éponge et quittent le navire. Hashian et Sheehan, en bons soldats de CBS participeront même à la campagne de dénigrement de Tom Scholz en justice. Seul Brad Delp reste fidèle à son ami. (15/20)
BARRY GOUDREAU - BarryGoudreau (1980)
C’est le second guitariste, Barry Goudreau, qui perpétue dans un premier temps l’héritage de Boston. Sur son album solo, on retrouve Sib Hashian à la batterie, Brad Delp au chant et un certain Fran Cosmo à la seconde voix. Cet album déménage gentiment dans le genre "rock mélodique" et on retrouve au détour des mélodies, du chant et des solos de guitare l’aspect le plus "rock’n roll" de Boston. Toutefois, il manque la perfection, la sophistication qui caractérise son art : pas d’orchestre de guitares, ni harmonies vocales fouillées, pas plus que d’orgue volubile, mais des riffs efficaces, de la guitare slide, de l’harmonica, de la guitare acoustique, voire quelques cordes et de l’accordéon (le délicat "sailin’ away")... On a parfois du mal à distinguer Delp de Cosmo, et on verra que cette similitude vocale aura son importance dans le futur à venir. Reste que Goudreau démontre ici qu’il sait composer des chansons (avec l’aide de Delp et de Cosmo), voire même des quasi tubes ("mean woman blues", "cold cold world") et qu’il est bien plus qu’un simple faire-valoir de Tom Scholz. Delp prouve encore qu’il est un excellent vocaliste. Il est un moment pressenti pour remplacer John Wetton dans Asia en 1983, mais c’est à Greg Lake qu’échoue la mission (cf la vidéo "Asia in Asia"). Qu’à cela ne tienne, Brad sera invité sur la BOF de Keith Emerson "Best revenge" (1984) pour l’interprétation de son sublime thème ("playing for keeps"). (12/20)
ORION THE HUNTER - Orion the hunter (1984)
Fort de son premier essai en solo, Goudreau monte un groupe permanent : Orion The Hunter. L’album éponyme qui sort en 1984 est tout simplement une référence en matière de hard-rock FM des années 80. Plus lourd et simpliste que Boston, Orion The Hunter en est toutefois l’héritier direct. Le chant est confié à Fran Cosmo (de son vrai nom Francis Migliaccio) qui co-signe la totalité du répertoire, alors que Brad Delp officie dans les chœurs tout en co-signant 3 chansons. Les mélodies sont très fortes (le tubesque "all those years"), la voix haut perchée de Cosmo pleine de fureur (le puissant "dreamin’ "), le jeu de guitare de Barry beaucoup plus virtuose que par le passé. Les synthés sonnent toutefois très années 80, ce qui tranche avec l’aspect assez intemporel de la musique des 2 premiers disques de Boston (qui a toujours prôné l’utilisation d’instruments analogiques). A noter la magnifique ballade "Joanne" signée conjointement par Delp et Cosmo. "Orion The Hunter", aussi excellent soit-il, n’aura pas de successeur direct. Il faudra attendre 1991 pour avoir des nouvelles de Barry Goudreau… (13/20)
BOSTON - Third stage (1986)
Contre toute attente, Tom Scholz refait parler de lui en 1986, lorsque paraît "Third stage". J’avoue m’être rué sur l’objet à sa sortie (je ne dois pas être le seul car, comme les 2 premiers opus, il s’est écoulé à plusieurs millions d’exemplaires)… et je n’ai pas été déçu ! L’album est encore une fois d’une très grand sophistication, et Brad a toujours cette voix magnifique, comme au premier jour. Tom a mis pas moins de 6 ans pour en venir à bout, malgré le harcèlement de CBS. Au point que les bandes master (Scholz ne croit qu’à l’analogique, souvenez-vous) s’étaient collées sur elles-même. Bref, l’enregistrement de ce disque fut une véritable galère, sans compter le procès que CBS a collé à Scholz pour non respect du calendrier… Le "groupe" se compose alors de Brad Delp (chant), Jim Masdea (batterie) et Tom (tous les autres instruments) ; bref les trois mêmes potes du début de Boston. A noter, l’utilisation active du "rockman", processeur d’effets inventé par Tom lui-même, lui évitant l’utilisation de synthétiseurs. Le disque s’ouvre par le "tube" "amanda" une subtile ballade dont on retrouve plus loin le thème modifié ("my destination"). "We’re ready" est un gentil rock, tandis que "cool the engines" et "can’tcha say (you believe in me)" s’érigent en véritables standards du répertoire bostonien. L’instrumental "the lauch" s’avère une variation de "the journey" ("Don’t look back"). Ma plage préférée est "a new world/to be a man", superbe ballade s’amorçant par un orchestre de guitares enchevêtrées. Un bon complément aux deux premiers albums que ce "Third stage". (15/20)
RTZ - Returnto zero (1991)
C’est reparti pour une période de longue léthargie pour Scholz et Boston ! Brad Delp retrouve par conséquent son vieux pote Barry Goudreau avec qui il monte RTZ en 1989. Ce projet est la suite logique de Orion The Hunter, les musiciens composant le groupe ayant fait partie de son line-up scénique. Ce disque fut pour moi une très grosse surprise. Brad y chante particulièrement bien et les compositions sont toutes excellentes. On est bien entendu assez loin de la "vision progressiste" de Boston, mais en matière de rock mélodique, il est difficile de faire mieux que ce "Return to zero". Goudreau transcende ici son talent. Que ce soit le tube "face the music", le country "all you’ve got", le poignant "this is my life", le funky "devil to pay", la ballade "until your love comes back around", le rock’n roll "livin’ for the rock’n roll", le sudiste "return to zero" (sans compter les plus hard "there’s another side", "rain down on me" ou "hard time") tout est ici d’un très haut niveau mélodique, vocal et instrumental. (15/20)
RTZ - Lost (1991/1998)
Il faudra attendre 1998 et le label MTM pour connaître la suite des aventures de Goudreau et Delp, pour cet album enregistré en 1991, en même temps que "Return to zero". Nous avons ici à faire à des bandes "perdues", d’où le titre de l’album. Les titres proposés sont bien moins forts que ceux de l’album précédent. On navigue ici dans un AOR classieux, mais sans réelle identité, si ce n’est la voix toujours aussi pure de Brad Delp. C’est clair, "when you love someone" aurait pu devenir un tube et "one in a million" est un superbe blues, mais ce n’est pas suffisant. Dommage, car la pochette est très belle. RTZ se sépare en 1994, suite au départ de Delp qui rejoint Boston pour la tournée "Walk on", ainsi que Beatle Juice, cover band des Beatles. (11/20)
BOSTON - Walk on (1994)
8 ans après "Third stage" (on commence à être habitué aux délais maintenant) parait ce nouvel album pour la plus grande joie des amateurs de Boston. Scholz a réussi à s’extraire des griffes de CBS (l’album sort chez MCA) qui a perdu son procès contre lui. Tom a réussi à prouver à la cour de justice l’exploitation dont il avait fait l’objet par la major. A la lecture des crédits, un choc nous attend : Brad Delp est remplacé par Fran Cosmo ! Horreur et consternation… Le second a beau avoir un timbre de voix similaire, Delp est irremplaçable. Je trouve le chant terne sur ce disque, même si tous les éléments sonores chers à Boston y figurent. Les compositions sont tout à fait correctes. J’adore la suite de 12 minutes "walk on" (en 4 parties) qui fait la part belle à la guitare et l’orgue Hammond. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que Delp à co-écrit ce morceau. Il y a deux tubes dans ce disque ("livin" for you » et "what’s your name") mais ces ballades sirupeuses me tapent sur les nerfs, surtout chantées par Cosmo qui singe Delp. Les autres chansons sont du Boston pur jus, avec guitares triplées, "hand claps" (les chouettes "I need your love", "we can make it"). Cet album (triple-platine quand même !) ne va pas récolter de très bonnes critiques : on reproche à Scholz de vivre sur les lauriers de ses 2 premiers disques, ce qui est exact… Mais je l’aime bien quand-même, ce "Walk on" ! (13/20)
BOSTON - Greatest hits (1997)
Rien de mieux qu’un "best of" pour faire patienter les fans. Celui-là possède une belle pochette, fait la publicité pour les associations de défense des animaux (Scholz et Delp sont des écolos convaincus et végétariens de surcroît) et des femmes et enfants battus, contient les meilleurs titres des 3 premiers albums. Le choix pour "Walk on" est contestable car c’est la ballade que je n’aime pas trop ("livin’ for you") -et non la suite "walk on"- qui a été retenue. 3 inédits figurent au programme : la belle ballade "tell me" (chanté par David Sikes), le pêchu "higher power" (chanté en duo par Delp et Cosmo) et une reprise instrumentale du thème de "the star spangled banner". Ce "Greatest hits" est sorti chez MCA. C’est étonnant car les 3 premiers albums étaient parus sur CBS. Le jugement rendu par la justice américaine a donc vraiment privilégié David contre Goliath ! (16/20)
TRIBUTE TO BOSTON (2002)
Pour retrouver l’esprit du grand Boston, la solution est de s’envoyer l’hommage rendu par le label Escape. Un "tribute" n’est jamais essentiel c’est certain, mais celui-ci est suffisamment bien ficelé pour susciter l’intérêt. Les meilleurs titres des 3 premiers albums (7 extraits de "Boston", 2 de "Don’t look back" et 3 de "Third stage") sont repris par un all-star-band impliquant des membres de Gillan (Steve Morris), The Sign (Terry Brock), Praying Mantis (Tony O’Hora), Ten (Vinny Burns), Deep Purple (Don Airey), TNT (Ronni Le Tekro), FM (Steve Overland), Grand Illusion (Peter Sundell)... Lorsqu’on songe au fadasse "Corporate America" au regard de l’excellence des compositions (brillamment) interprétées ici, il y a de quoi pleurer. (14/20)
BOSTON - Corporate America (2002)
C’est sur un label indépendant (Artemis Records) que Boston reprend du service, 8 ans (c’est un délai désormais habituel) après "Walk on". Ce disque était attendu par les fans, et il ne fait pas l’unanimité ! Les plus ouverts d’esprit apprécieront l’éclectisme de "Corporate America" (titre en référence au 11 septembre 2001), tandis que les autres constateront, amers, que Boston n’est plus ce qu’il était. Un nouveau groupe a été reconstitué par Tom Scholz. On retrouve Brad Delp (quasiment méconnaissable vocalement), Fran Cosmo, Gary Pihl (guitare), Antony Cosmo (fils de l’autre, guitare et chant) et une certaine Kimberly Dahme (basse, chant). Scholz tourne le dos à tous ses principes passés, car les percussions sont programmées et les synthés sont rois. Le chant est tenu par plusieurs voix différentes et les compositions assurées par tous les protagonistes, créant une impression de patchwork musical. Il semblerait que Tom ait voulu se renouveler et rejeter l’image de "has been" qui lui collait à la peau. Il a réussi ! Certains titres flirtent vers Oasis ("stare out your window", "crying" chantés par le jeune Antony), Radiohead ("someone", "turn it off"), la country ("with you" chanté par Kimberley, superbe jeune femme aux gros seins et nouvelle copine de l’ami Scholz), la techno spatiale ("corporate America"). Le style Boston ne se retrouve que sur le tube léger "I had a good time", "didn’t mean to fall in love" (introduit par le mellotron !) et "you gave up on love", trois chansons pas spécialement bouleversantes. En bonus, Boston nous fait l’affront de nous resservir encore le sirupeux "livin’ for you", mais en live ce coup-ci ! Le disque s’écoute agréablement, mais on a la désagréable impression d’entendre une compilation de plusieurs artistes différents. Un comble pour un groupe qui avait pourtant réussi à créer un son original par le passé ! (09/20)
Boston restera toujours dans nos mémoires grâce à des compositions comme "smokin’ ", "a man I’ll never be", "a new world/to be a man" ou plus récemment la suite "walk on". Comme quoi un musicien amateur, ingénieur du son à ses heures, perfectionniste maladif et militant de la cause écologiste, a pu influencer le cours de la musique pop américaine. Merci Tom !
Cousin Hub
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