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Big Big Train est un des groupes nés au tout début des années 90 (on pourrait parler de "troisième génération du rock progressif anglais") qu'on a eu tendance à mésestimer dès le départ. Il est vrai que leur premier CD démo était peu prometteur mais ils ont su très vite s'améliorer (le très bon "Goodbye to the age of steam" en 94) et depuis quelques années, BBT ?uvre discrètement (seulement 4 albums depuis 94 en comptant celui-ci) en peaufinant des albums soignés et sans se répéter? au risque de désorienter certains fans peut-être, mais on ne reprochera certainement pas au groupe de Gregory Spawnton de vouloir évoluer !
BBT avait délivré en 2004 ce qui me semble être son meilleur disque, le très délicat, à la fois intimiste et symphonique "Gathering speed". A cette occasion le groupe avait accueilli Sean Filkins ("Filkie") un nouveau chanteur au style versatile, dont la voix semble un mélange de Mark Hollis (Talk Talk) et de Peter Gabriel, avec parfois des lignes vocales évoquant le style de Jon Anderson.
Sur ce nouvel album, il semble que Gregory Spawnton reste le seul maître à bord en sa compagnie. Plus de traces du claviériste Ian Cooper et Andy Poole (basse) et Steve Hughes (percussion) ne figurent que sur deux morceaux (qui totalisent quand même plus de 20 minutes). Poole a pourtant co-signé deux titres. Pour le reste, Spawnton a pris en charge tous les claviers (et il semble aussi à l'aise dessus que sur la guitare) et a fait appel à Pete Trawavas sur un morceau, Dave Meros sur un autre et c'est Nick De Virgilio qui tient la batterie sur ceux-ci. BBT a décidé d'étendre largement son spectre sonore en ayant recours aux services du saxophoniste Tony Wright (qui a travaillé avec IQ, entre autres) et de l'altiste Becca King. L'alto et le saxo figurent sur la plupart des morceaux et sont même des instruments solistes.
Sur sept morceaux, trois sont de pièces sans percussion qui servent d'introduction ou d'interludes à des pièces nettement plus développées. Trois autres font de 13 à 15 minutes et le dernier, l'émouvante ballade "summer's leave" dépasse les sept minutes.
"A different machine" n'est pas facile à caractériser, un très bon point pour un album, mais qui rend la tâche du journaliste plus hardue ! Le groupe possède toujours un côté inspiré des plus vieux Genesis, notamment dans les parties acoustiques et intimistes, mais aussi de Yes - une influence qui se révèle dans pas mal de parties vocales, même si le timbre de Filkins est bien différent de celui d'Anderson (écoutez "pick up if you're there"). Et en même temps, Spawnton puise aux sources mêlées de la musique classique et du jazz, tout en intégrant des éléments de psychédélisme : les sons sont souvent traités, réverbérés, que ce soit les claviers vaporeux aux textures inédites et parfois étranges, avec beaucoup de mellotron (surtout le timbre de ch?urs), le piano électrique et différents orgues, ou bien les guitares cristallines ou plus saturées, et même les voix parfois. Cette fusion complexe à réaliser nécessite aussi plusieurs écoutes attentives. Il n'est pas toujours facile d'apprécier certains contrastes, certaines dissonances jazzy ou plus rock ici et là ("perfect cosmic storm" (14:40), le premier long titre et le moins facile à aborder, rappellera peut-être un peu Spock's Beard). Cependant, ces aspects sont contrebalancés par des parties mélodiques splendides, aériennes, parfois très solennelles, où la section rythmique peut être mise de côté. Et n'oublions pas, surtout, des parties vocales inspirées, bien équilibrées par rapport aux sections instrumentales.
Voici un album étonnant et très personnel, original, qui mérite vraiment que l'on s'y attarde et qui confirme tout le talent de Gregory Spawnton et de son groupe.
Marc Moingeon
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