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Barclay James Harvest : Discographie complète (1970/1997 - cd - parue dans les Koid9 n°44 à 47)

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BARCLAY JAMES HARVEST

Retour discographique

Préambule : cette liste de chroniques forme un dossier étalé sur les numéros 44, 45, 46 et 47 du magazine


Pour accéder directement à un album en particulier, cliquez sur sa pochette :
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Barclay James Harvest
Premier épisode (Koid9 n°44) :
Les années Harvest (1966-1973)

Barclay James Harvest est né en 1966 (comme moi !) dans le Nord de l'Angleterre (pas comme moi) de la fusion de deux groupes locaux, l'un fournissant John Lees à la guitare et Wooly Wolstenholme aux claviers, l'autre Les Holroyd à la basse et Mel Pritchard à la batterie. Il est intéressant de remarquer que lors du split qui aura lieu plus de trente ans plus tard, la séparation reformera ces deux entités originelles…

Mais n'anticipons pas. Nous sommes en 1969, EMI vient de créer le label Harvest pour accueillir les groupes de la vague progressive naissante et signe nos héros qui y publieront quatre albums en moins de trois ans. L'actualité rejoint cette rétrospective, puisque ces quatre albums viennent récemment de bénéficier de magnifiques rééditions remastérisées, avec moult titres bonus.

Le premier album éponyme sort en 1970 et, fait assez exceptionnel pour un groupe débutant, il a carrément été enregistré avec leur propre orchestre symphonique, sobrement intitulé "The Barclay James Harvest Symphony Orchestra", qui comprenait bien sûr des cordes, mais aussi des cuivres et des bois. Le vocable de rock symphonique, tellement galvaudé depuis, prend ici son sens premier. Malgré ses maladresses, ce premier album est d'un très bon niveau et contient déjà, ce qui est très spectaculaire pour des musiciens aussi jeunes, plusieurs morceaux qui portent ce qui deviendra la "griffe" BJH. "The sun will never shine" offre la première démonstration du son de guitare si magique et si personnel de Monsieur Lees, soutenu par les nappes de mellotron de Wooly Wolstenholme. "The iron maiden", dont la beauté éthérée est à des années-lumière du groupe de metal homonyme qui prêchera le nombre de la bête quelques douze années plus tard, figurera encore dans la set-list de la tournée 2000 de Barclay James Harvest through the eyes of John Lees. Les arrangements symphoniques fastueux sont remarquablement bien intégrés au jeu du quartet rock et "when the world was woken" (avec son orgue réminiscent de Procol Harum, qui vient de triompher avec "whiter shade of pale") et surtout la longue et fascinante suite médiévale "dark now my sky" (où Lees s'en donne à cœur-joie dans ses soli inspirés) sont de grandes réussites. Inévitablement, BJH se cherche encore, et le folkisant et brouillon "taking some time on" et le rock'n'roll simplet "good love child" ne resteront pas dans les annales du groupe.

La réédition CD, rebaptisée "Their first album", contient pas moins de 13 titres bonus, cela fait beaucoup en quantité mais malheureusement pas trop en qualité. Tous ces titres sont antérieurs au premier album, et proviennent des deux singles sortis respectivement en 1968 et 1969, ainsi que de chutes de studio et de sessions BBC (du fameux John Peel) de 1968. Le son est très acoustique, le groupe est visiblement influencé par la pop anglaise de l'époque, se prend un peu pour les Beatles ("early morning") et expérimente volontiers dans tous les sens (cf. les rigolotes ambiances western de "night"). On peut noter les premières apparitions timides du mellotron sur "eden unobtainable" et "pools of blue", et la jolie mélodie de "I can't go on without you", dans le genre folk bucolique avec flûte, piano et accordéon.

Moins d'un an plus tard en 1971 sort le second album, il s'appelle "Once again" et il est déjà l'heure de crier au chef-d'œuvre ! Ce coup de maître, le meilleur des 4 albums Harvest, ne fut malheureusement reconnu comme tel que beaucoup plus tard par les fans du groupe et passa quasiment inaperçu à l'époque. Pourtant, ça-y-est, toute la quintessence de BJH est présente tout au long des huit plages de l'album. Il y a tout d'abord le classique des classiques, "mocking bird", morceau-phare du groupe qui n'a pas quitté leurs set-lists depuis, superbe suite progressive aux ambiances très réussies, présenté ici dans une version symphonique avec le BJHSO sus-mentionné. Pour ma part, je préfère les versions 100% groupe rock de "Live" (1974) ou de "Live tapes" (1978). Toujours en symphonique, la somptueuse "Galadriel", déjà magnifique trente ans avant que Cate Blanchett ne lui prête sa plastique impeccable, est un autre standard du groupe, tout comme "she said", superbe ballade torturée et syncopée, où l'on retrouve le fameux binôme guitare magique/mellotron qui fait des merveilles. Ces trois titres justifient à eux seuls la légende et l'achat de l'album, mais le reste, quoique plus méconnu, mérite également le détour. J'ai un petit faible pour "song for dying" et son refrain destroy, où la guitare de Lees fait (une fois de plus !) des choses extraordinaires, et pour "ball and chain", dans le genre hard blues récemment inventé par Cream.

Le nouveau CD comprend 5 titres bonus peu passionnants, à savoir 2 chutes de studio qui auraient pu le rester et 3 remix tout aussi dispensables. Mais l'album se suffit à lui-même et la qualité du son est bien supérieure à celle des rééditions précédentes: indispensable donc.

Dans la même année 1971 sort déjà le troisième album, sous le petit nom de "Barclay James Harvest and other short stories". L'orchestre change de chef mais reste toujours présent, d'ailleurs BJH tourne régulièrement avec, ce qui est un cauchemar logistique et financier pour un groupe débutant courant vainement après le succès, et finira bientôt par causer sa rupture avec EMI. Mais nous n'en sommes pas là; pour l'instant, la pression du label se traduit par un rythme dément dans les sorties d'album et de singles, et, conséquence inévitable, par une baisse de niveau sensible après le coup d'éclat de "Once again". "…and other short stories" contient pourtant le sensationnel "after the day": la richesse des arrangements entre l'orchestre et le mellotron, la guitare en érection, encore une œuvre majeure de ce groupe majeur ! On trouve aussi le futur grand classique "medecine man" dans une version très symphonique et un peu ratée; il semblerait d'ailleurs que le groupe s'en soit aperçu puisque la chanson sera radicalement réarrangée un peu plus tard. A noter aussi le refrain entraînant de "blue John's blues", le charme délicat de "the poet" et le final symphonique sympa de "little lapwing". Le reste de l'album se laisse écouter mais reste plutôt… euh… gentillet, très acoustique avec des ambiances presque champêtres. Un critique de l'époque a écrit que c'était l'album idéal pour récupérer après des exploits sexuels intenses, voire pour la digestion… j'ignore si c'est à prendre comme un compliment, allez savoir avec les Anglais…

Le CD remastérisé comprend 6 titres supplémentaires, dont une chute de studio, "brave new world", qui sera ressuscitée, retravaillée et complétée 27 ans (!) plus tard pour l'album "Nexus". Mieux vaut tard que jamais… On trouve aussi 5 sessions BBC, parmi lesquelles un spectaculaire "she said", et un "medecine man" enfin habillé du riff génial, des nappes perverses de mellotron et de la rythmique syncopée qui ont fait sa légende.

Le rythme de parution ne se calme pas en 1972, avec trois singles et une compil ("Early morning onwards") précédant la sortie en Novembre de "Baby James Harvest". Après un premier album entièrement cosigné à quatre, et deux albums de transition où les titres sont signés soit par le groupe, soit séparément, ce "Baby James Harvest" ne comporte pour la première fois que des signatures individuelles, ce qui restera le cas pour tout le reste de leur carrière.

Le sommet de ce "Baby" est l'immense "summer soldier", longue (10'24) épopée brillante avec des bruitages spectaculaires et une guitare très inspirée, qui délivre un riff génial dans la seconde partie. Plus loin, Wooly Wolstenholme se prend pour Mahler dans la suite symphonique "moonwater", John Lees expérimente avec un big band de cuivres sur un "delph town morn" pas très réussi, tandis que Les Holroyd pompe ouvertement (musique et même paroles !) le "space oddity" de David Bowie sur le très sympa "one hundred thousand miles out" et s'essaie à la ritournelle pop avec "crazy over you"… il fera (beaucoup) mieux par la suite.

La réédition CD contient 10 titres supplémentaires, soit les titres des 4 singles sortis avant et après l'album, une ultime session BBC et un nouveau remix 2002 de "moonwater" par son auteur, 30 ans après l'original. Les chansons des singles sont des formats pop peu ambitieux pour le style habituel de BJH, et ressemblent à des efforts désespérés imposés par la maison de disque pour rentrer dans les charts. On trouve quand même une nouvelle version studio du fameux "medecine man", dans une sorte de mise au propre de la version "session BBC" qui est en bonus dans le CD précédent. Figure également le dernier single du groupe pour Harvest, le "rock'n'roll woman" de Les Holroyd, premier rejeton d'une grande famille qui se prolongera dans les années suivantes avec "rock'n'roll star" et "rock'n'roll lady".

L'échec commercial de ce single marquera la fin de la carrière de BJH chez Harvest, et la grande victime de cette rupture fut John Lees qui venait juste de terminer l'enregistrement de son album solo "A major fancy", que EMI gardera dans ses tiroirs jusqu'en 1977. Vers la fin des années 70, en effet, le groupe commençant à faire sérieusement parler de lui, EMI ne s'est pas gêné pour exploiter ce catalogue dans tous les sens, publiant à partir de cette époque plusieurs dizaines de compilations plus ou moins cohérentes, et il fallut donc attendre cet an de grâce 2002 pour que ces quatre albums bénéficient enfin des rééditions remastérisées impeccables qu'ils méritaient: tant pour le son que pour la recherche des titres, ces quatre CD sont de l'excellent travail, en série éco qui plus est… Pour les maniaques dans mon genre qui auraient été déçus de ne pas retrouver les pochettes d'origine en couverture, sachez qu'elles se trouvent à l'intérieur du livret et qu'en le pliant à l'envers, il est possible de les mettre au dessus.

Dans la foulée de ces quatre CD, EMI vient de publier, pour la première fois, le concert de BJH avec son orchestre symphonique enregistré pour la BBC en Novembre 1972. Il s'agit d'un double album avec le concert en mono sur le premier CD et en stéréo sur le second. Curieux, non?

Alors bon, maintenant qu'ils se retrouvent sans label, que vont Barclay James Harvest devenir? Vous le saurez en lisant le passionnant deuxième épisode de notre feuilleton, à paraître dans le prochain numéro.

Ivan Agosti

Barclay James Harvest
Deuxième épisode (Koid9 n°45) :
1974-1978

Barclay James Harvest est né en 1966 (comme moi !). Ainsi Ivan débutait-il la première partie de cette bio.

BJH / Ivan / Jean-Yves : même combat des natifs de ce grand cru, qui l’eut cru !

Cela dit, pas facile de reprendre le flambeau, après cette première partie excellemment concoctée par l’ami Ivan, certes toujours vivant, mais promu depuis "envoyé spécial du Koid'9 outre-atlantique". On en est tous resté Bush bée.

Petit bémol cependant quant à une de ses critiques : je qualifierais d’inqualifiable le titre "delph town morn" : une jubilation !

En ce qui me concerne, c’est grâce à (à cause de ?) groupes comme BJH, Supertramp, Floyd, etc…, que mon chemin musical m’a amené à m’abonner à ce formidablissime fanzine que vous êtes en train de dévorer.

Je sens poindre dans les rangs une impatience grondante, alors maintenant que les présentations sont consommées, poursuivons l’aventure.

Exit "Emi / Harvest" et le Barclay James Harvest Symphony Orchestra, welcome "Polydor", mais avec – rassurez-vous – les même 4 membres. BJH tourne une page, mais la continuité est assurée…

En effet en 1974, le 5ème album des BJH (hors compil’) voit le jour : "Everyone is everybody else", à la pochette aussi hideuse que la couverture du Koid'9 n°44 ! (humour, mon bon Nanard, que j’aime et que j’adore.)

Deux morceaux "phare", de l’avis même de tous les fans : "child of the universe" et "for no one". Le premier fera partie, au même titre que "mocking bird" ou "hymn", dont nous reparlerons, des grands classiques du groupe (bien que ne figurant pas sur le live de ’74). Des paroles plus que jamais d’actualité, un solo de guitare qui tue sa race.

Sur tout l’album, l’alternance des voix de John Lees et de Les Holroyd laisse encore et toujours la magie opérer. BJH groupe vocal ! Et quand on sait combien la voix est souvent le point faible, voire le problème, chez les zicos que nous vénérons, on ne peut être que profondément respectueux devant une telle rencontre. A part Gentle Giant, les Bee Gees ou Spock’s Beard dans leurs rares grands moments, peu peuvent prétendre à une telle qualité, une telle justesse, et je le répète à une telle magie dans l’exploitation de l’organe ! Et ce depuis le début du groupe… Chapeau les cocos.

Quand on ajoute à cela les fabuleux claviers de Wooly Wolstenholme, la guitare et ses sons tellement caractéristiques (écoutez donc cette exceptionnelle première face – pour ceux qui possèdent le vinyle !). Très certainement l’un des meilleurs albums de BJH, "for no one" restant à mon avis le Top of the Best du groupe, avec le plus beau, le plus déchirant son de guitare jamais produit. Et en plus, c’est de ses paroles qu’est tiré le titre du disque… Alors hein !

Comment échapper à l’épreuve du live après un tel succès artistique ? ! 5 des 11 titres de ce double album, sobrement intitulé "Live", seront tirés de "Everyone is evebody else" ! Les autres ? Les incontournables des années "Harvest" : "summer soldier", "medicine man", "after the day" (exceptionnel avec son cocktail mellotron / guitare / voix), "galadriel", "she said" et le très fameux "mocking bird". Chaque morceau, revisité de façon magistrale (avec force mellotron pour les amateurs – dont je suis), mériterait une ½ page. "For no one" y atteint une intensité dramatique maximale. Un must que cette double galette ! Mais attention : dans 4 ans, ce sera ZE must. Patience… Tout ça pour vous tenir en haleine. Et en attendant ce célébrissime "Live tapes", lui aussi double live, visitons les 3 studios qui séparent ces témoignages publics, véritables "best of" livrés dans toute leur formidable démesure.

"Time honoured ghosts" ouvre le bal, en ’75. Magnifique album, avec des titres certes assez concis, mais non dénués d’intérêt. "Jonathan" - bien que trop court, "moongirl" - très émouvant, "one night" - tout BJH, vous emmèneront très loin si vous êtes prêts pour le grand voyage. A écouter les yeux fermés, religieusement. Et puis cette superbe pochette, à écouter les yeux ouverts…

Maintenant, attention : à nouveau une pochette au design plus qu’exceptionnel ! De celle qui marque l’histoire, un peu comme celle de "In the court of the crimson king" ou de "Just a poke" de Sweet Smoke. Et c’est pas peu dire. ’76 accouche de la grand-œuvre de BJH : "Octoberon". Une première face, la "face bleue", rassemble trois monuments du rock progressif, tandis que l’autre, la "face rouge", se conclut d’une manière tant majestueuse que tragique avec "suicide ?". Le meilleur album studio de BJH ? Difficile de faire un choix objectif, mais celui-ci recèle des perles rares et injustement méconnues, comme "may day" et "ra", qui font partie des plus fabuleuses suites jamais composées.

Un an plus tard, c’est au tour de "Gone to earth" de venir frapper très fort. Ceux qui ont la chance de posséder le vinyle me comprendront quand je hisserai au rang de chef-d’œuvre cette extraordinaire pochette découpée, écrin de nouvelles perles de velours qui ne demandent qu’à caresser nos tympans perpétuellement avides de drogues en clé de sol. Ou de fa. L’ouverture deviendra LE classique de BJH : après "sweet Jesus" et bien avant "he said love", le rock catho déboule avec "hymn", qui clôturera tous leurs concerts pendant un bon bout de temps. L’autre monument de cet album n’est autre que le grandiose "poor man’s moody blues", qui a placé un solide jalon sur mon parcours initiatique progressif. N'évoquer que ces 2 titres relève de la gageure, mais il est de mon devoir, dans le cadre de cette bio, d’opérer une certaine sélection dans l’abondante discographie de BJH. Vous connaissez tous l’importante crise du logement qui frappe notre Koid'9

J’ai la chance de terminer par l’album que je recommanderais à tous ceux qui ne connaissent pas encore BJH, mais que ces quelques mots réducteurs auront néanmoins convaincu du côté incontournable de ce groupe. Après le "Live" de ’74, voici le "Live tapes" de ’78 ! Et qu’on vienne me dire après ça que BJH ne joue pas (ne jouait pas ? ) du prog’ ! Même si "mocking bird" est le seul rescapé des années "Harvest", tout y est : le choix des titres, supérieur et de loin à tous les "Best of" du monde – et Dieu sait qu’il y en a !, le son, l’ambiance. Et surtout une formidable générosité des 4 compères qui se surpassent. Il serait trop injuste pour les autres de mettre un ou plusieurs titre(s) en avant. Rien à jeter. BJH à son apogée. Celui qu’on se DOIT TOUS de posséder. N’hésitez pas à vous débarrasser de vos Yes et autres Genesis si vous manquez de place ou d’argent. Ou de temps.

 

On n’insistera jamais assez ni sur l’incroyable alchimie des voix de John & Les, ni sur le mariage rarement aussi réussi des claviers analogiques que nous aimons tant et des guitares tantôt cristallines, tantôt agressives qui nous envolent si haut. BJH groupe culte ? Sans aucun doute, en tout cas pour une (large) poignée de frappadingues de mon espèce, qui auraient tellement aimé naître non pas en 66, mais un tout petit peu plus tôt, pour que maman et papa les laissent vivre ces moments-là. (J’ai vu Barclay pour la première fois en 1984 !)

 

A bientôt pour la suite de la saga… Ivan, c’est à vous.

Jean-Yves Huonic

 

Barclay James Harvest
Troisième épisode (Koid9 n°46) :
Les années pop (1978-1984)

En 1978, Barclay James Harvest est au sommet de son art, mais ce n’est pas une raison pour se reposer sur ses lauriers. Un an pile après l’album de référence "Gone to earth" et moins de quatre mois après les légendaires "Live tapes", les Anglais enchaînent déjà avec "XII", dont le titre est une sacrée énigme: j’ai beau compter et recompter, il s’agit du neuvième album studio, c’est le onzième album si on compte les deux lives, mais ça ne fait jamais douze ! Bon, je leur apprendrai à compter un autre jour… Musicalement, "XII" s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur, à savoir un rock mélodique raffiné et intelligent. La dimension symphonique omniprésente lors des débuts du groupe ne transparaît plus que sur les deux compositions de Wooly Wolstenholme : "harbour" avec ses chœurs classiques en canon, et surtout le majestueux "in search of england", qui fut récemment l’un des grands moments de la tournée "Revival" en 2001. Les deux classiques de l’album sont "loving is easy" et "berlin", deux titres bien troussés incontournables de leur répertoire de scène depuis 25 ans, et qui préfigurent l’orientation plus pop des albums à venir. J’aime beaucoup aussi le planant "nova lepidoptera", ainsi que le sympa "sip of wine" d’un Les Holroyd par ailleurs peu inspiré ("turning in circles" et surtout "giving it up" sont plutôt fadasses…).

Début 1979, Wolstenholme, qui n’apprécie guère le changement progressif (…) de direction musicale, abandonne le groupe et s’engage dans une carrière solo qui se limitera au seul album "Maestoso" fin 1980. Le claviériste sera exhumé de sa campagne anglaise vingt ans plus tard par John Lees pour le projet Barclay James Harvest through the eyes of John Lees.

Les trois survivants décidèrent de ne pas le remplacer et c’est Les Holroyd, ainsi que différents musiciens non-intégrés au groupe (notamment Kevin McAlea et Bias Boshell), qui tiendront les claviers dans les albums à venir et sur scène.

Le premier album du trio sort fin 1979 sous le titre de "Eyes of the universe" et dès l’intro de "love on the line", le changement saute aux oreilles : séquenceurs et claviers numériques remplacent les vieux sons analogiques de Wolstenholme et comme beaucoup de leurs confrères à cette époque, BJH amorce un virage pop assez flagrant. Ils ne vendent pour autant pas leur âme au diable, et les huit titres de ces yeux de l’univers sont d’excellente tenue, même si cet univers-là n’a plus grand chose à voir avec le progressif. "Love on the line" et "rock’n’roll lady" (dont le riff est un peu pompé sur "don’t fear the reaper" de Blue Oyster Cult et a même récemment été recyclé en "docteur renaud mister renard" pour Renaud) sont les titres les plus connus, mais on aurait tort de passer à coté de ”capricorn”, mon chouchou de l’album, au refrain irrésistible, du torturé “sperratus” ou du planant "play to the world". Lees s’essaye même à un pseudo-disco avec "alright down get boogie" ; le résultat est assez drôle, mais j’ignore si c’est voulu…

Même si certains fans de la première heure commencent à déserter le groupe, la nouvelle direction musicale leur en apporte plein de nouveaux et Barclay James Harvest commence à vendre et même à passer en radio, particulièrement en Allemagne. C’est ainsi que le single "life is for living" sort fin 1980 et devient le plus gros (le seul ?) succès commercial de leur histoire. Il est regrettable que le groupe soit connu du grand public par cette chansonnette légère et facile, plutôt que par des monuments du calibre de "medecine man" ou "poor man’s moody blues", mais bon, ainsi va le monde… Ce hit-single ouvre les portes du succès à l’album "Turn of the tide" qui paraît en 1981, et enfonce le clou du virage pop de son prédécesseur. Lees y balance quelques gros rocks simplets ("death of a city", "highway for fools") et me paraît quelque peu en manque d’inspiration, hormis sur les touchants "how do you feel now" et "in memory of the martyrs". Holroyd s’en sort beaucoup mieux, malgré l’utilisation d’un déluge de synthés, et "echoes and shadows" et "i’m like a train", quoique peu connus, sont deux petits bijoux.

Un an plus tard en 1982 sort le troisième album live du groupe, "Berlin - a concert for the people", curieusement enregistré deux ans auparavant, soit avant la sortie de "Turn of the tide"… C’était le 30 Août 1980, et BJH a réuni 175000 personnes pour un concert gratuit en plein air sur la pelouse du Reichstag à Berlin, à deux pas du mur. Bien que nettement moins excitant que ses deux prédécesseurs "Live" et "Live tapes" (dont on ne répètera jamais assez qu’ils sont indispensables à toute discothèque progressive digne de ce nom !), ce live porté par un public enthousiaste est d’excellente facture et restera la meilleure vente de l’histoire du groupe, atteignant même la première place des charts allemands.

Maintenant ils sont des popstars (ils ne sont pas passés sur M6, mais bon la chaîne n’existait pas à l’époque) et "Ring of changes" sort en 1983 et va encore plus loin dans le son commercial/FM, porté par la production de Pip Williams, qui avait précédemment œuvré pour Moody Blues ou Status Quo. Cela n’empêche pas l’album de contenir un paquet d’excellentes chansons, telles que "fifties child" avec son intro symphonique, l’envoûtant "midnight drug", qui rappelle un peu le "manifesto" de Roxy Music, et surtout l’extraordinaire "ring of changes" qui préfigure le "just a memory" que Pallas enregistrera trois ans plus tard.

"Victims of circumstance" paraît dans la foulée un an plus tard avec le même producteur aux manettes, mais s’avère pourtant nettement moins enthousiasmant. Le groupe enchaîne les rocks basiques ("hold on", "inside my nightmare") avec les ballades mièvres ("i’ve got a feeling", "for your love") et seul le titre d’ouverture "sideshow" sauve de la noyade cet album décevant, dont même la pochette est moche…

S’ils gagnèrent de nouveaux fans à cette époque (dont moi… je n’ai découvert les premiers albums que beaucoup plus tard…), ils en perdirent également un paquet des débuts, notamment en supprimant tout leur ancien répertoire de leurs set-lists : lors de l’impressionnante tournée "Victims of circumstance" (Avril - Octobre 1984, 58 dates dont 20 en France et même une escale à Bercy), ils n’ont pratiquement joué que des titres de "Ring of changes" et "Victims of circumstance", le seul titre antérieur à "Gone to earth" étant "child of the universe". Etonnant, non ?

Les membres du groupe semblent alors aussi paumés que leurs anciens fans, puisqu’un long silence suivra cette tournée et qu’il faudra attendre trois ans avant l’album suivant. Mais ça, c’est une autre histoire, et il vous faudra attendre le prochain numéro et le quatrième épisode de ce feuilleton pour qu’on vous la raconte. Tuant ce suspense, n’est-il pas ?

Ivan Agosti

 

Barclay James Harvest
Quatrième épisode (Koid9 n°47) :
Les années Messieurs Dames, on ferme ! (1984-2003)

Les plus perspicaces d'entre vous auront remarqué que ce feuilleton, au combien passionnant, avait vu deux "chroniqueurs" prendre successivement la manette dirigeant ce voyage dans l'histoire d'un des très grands groupes ayant marqué et influencé la musique que nous prenons tellement plaisir à écouter aujourd'hui.

L'ami Ivan s'est tapé la 1ère et la 3ème partie. Quant à moi j'ai eu la chance de traiter la 2ème, de loin la plus passionnante, la plus inoubliable. Bref, celle où figurent les disques que je choisis d'écouter si j'ai envie de "me faire un BJH".

Moins de chance cette fois puisque j'ai la lourde tâche de terminer et de conclure cette saga, et force est de constater que, depuis le déclin amorcé en 1984, comme vous le disait Ivan, avec "Victims of circumstance", la pente n'a jamais été remontée.

 

Aussi ne m'étendrai-je pas des heures sur chacun de ces albums, tous sortis chez Polydor. Aucun n'est mauvais, non. Le problème c'est que BJH ne surprend plus. BJH fait du BJH. Toujours le même style sans innovation aucune, toujours les mêmes thèmes – ô combien honorables (peace & love), toujours parfaitement arrangés et produits, toujours très sophistiqués, toujours irréprochables vocalement, toujours très propres et bien chiadés, toujours agréables, toujours reposants, toujours des tas de claviers (numériques), toujours de superbes parties de guitares, toujours… Jamais vraiment prog' par contre. (Mais qu'est-ce que le prog' ?) Linéaires…

Bon. Je ne vais quand même pas m'arrêter là ! Alors passons en revue les disques de cette période.

Allons-y : 1987 : "Face to face" marque le retour après 3 ans d'absence. Il faut dire que le rythme infernal d'un album par an a été abandonné depuis longtemps, mais cela ne permettra pas à BJH de retrouver l'inspiration des grandes années. Cet album sera suivi d'une longue tournée, avec Bercy comme étape ! Le son est "moderne", les mélodies vocales très belles. Le morceau "he said love" sortira en single et connaîtra un grand succès en Allemagne, décidément la terre de prédilection pour ce groupe. Après "sweet Jesus", "hymn", le rock catho (?) est de retour, avec cette guitare acoustique toujours prédominante. Sans doute 3 morceaux en hommage à notre Ivan préféré, dit "JESUS" (Jeune Envoyé Spécial aux United States). Pardon. Signalons aussi le magnifique "Kiev", un "slow" de Les Holroyd à la voix plus belle que jamais, même si la réverb' en fait un peu trop. Le titre "african" est plus original, avec un John Lees plus agressif, mais je n'ai jamais accroché. Le titre commercial auquel tient ce même Lees est sur ce disque l'infâme "panic", avec des chœurs féminins inutiles, qui sortira aussi en single et même en une version longue "discothèque" complètement surfaite, un peu comme Genesis avec "land of confusion" (Vous êtes sûrs que cette merde est de Genesis ? – Ben oui ! – Bon, d'accord…). Joli titre que "guitar blues", avec un chouette solo de cette guitare. "On the wings of love" est sans surprise et cartonne à mort en tournée, tous briquets allumés, comme pour chauffer le gaz d'un ballon qui nous envolera très haut.

Le live de la tournée à laquelle je faisais allusion sort un an plus tard. "Glasnost" est enregistré en Allemagne de l'Est en juillet '87, devant une foule évaluée entre 130 et 170 000 personnes ! Comme son prédécesseur "Berlin", côté Ouest et 7 ans plus tôt, ça se passe en plein air et, comme le montre la vidéo correspondante, c'est très impressionnant ! Toutes les versions jouées sont dynamisées, par contre ce "Best of" live rassemble essentiellement des titres récents, à l'exception du fameux "poor man's moody blues" dans une puissante version, de "medecine man" exhumé pour une superbe "revisite", notamment pour ce qui est des voix, et de l'incontournable "hymn" ou John Lees en fait malheureusement un peu trop, avec ce "yeh" récurrent et insupportable. Signalons aussi la reprise de "Kiev", plus efficace que jamais – Dieu que Les Holroyd a de gros poumons !

BJH revient en 1990 avec "Welcome to the show". Dernier album à sortir en vinyle, et dernier succès. (Je ne pense pas qu'il faille y voir un rapport !) Pas moins de 4 singles seront édités en Allemagne ! Dont "cheap the bullet" qui cartonne fort. Et pourtant pas grand chose à dire, à mon avis, sur ce disque. BJH, encore une fois, fait du BJH et le fait bien. Mention spéciale pour "John Lennon's guitar", de John Lees (même prénom, mêmes initiales ! ). Après leur premier hommage aux Beatles avec "titles" en '75, BJH livre ici un des plus beaux titres composés depuis longtemps, avec le solo qui déchire sa race maudite, surtout en live. L'horrible "psychedelic child" est dans la lignée de "panic", toujours du même auteur. "Where do we go" est le slow idéal pour emballer, avec sax' et tout et tout, et la mélancolie qui se dégage de la voix de Les Holroyd est décidément plus qu'émouvante. On remarquera aussi "if love is king" pour sa magnifique intro'.

Avant de passer à l'album suivant, "Caught in the light", sorti en 1993, il me faut mentionner la tournée de 1992, célébrant les 25 ans du groupe en 44 dates, dont le Zénith de notre belle capitale. L'occasion de livrer sur scène un véritable "Best of" de toutes ces années.

Alors venons-en à cet album. Même s'il ressasse toujours les mêmes thèmes, même s'il est formaté BJH de chez BJH, même s'il sera un flop commercial total, il n'en est pas moins bon que les autres de cette période. Ni plus mauvais. Il marque cependant le vrai début de la vraie fin. Il est introduit par le single (allemand – est-ce utile de le préciser ?) "who do you think we are ?". Du BJH (actuel) classique. Hormis "spud-u-like", qui après "panic" et "psychedelic child", enfonce le clou de ces tentatives stériles de John Lees d'essayer de conquérir on ne sait quoi, on retiendra "cold war", à la guitare hispanisante, et "ballad of denshaw mill", qui rappelle parfois l'émouvant "in memory of the martyrs" de l'album "Turn of the tide". Et puis surtout le dernier des derniers chefs d'œuvre de BJH : "once more", titre de 7 minutes, doté d'une intro qui titille tout de suite l'oreille, d'une montée en puissance extraordinaire, et de 2 dernières minutes déchirantes qui, avec une guitare digne de l'extraordinaire "for no one" de '74, justifient à elles seules, selon la formule, l'achat du disque. Difficile à croire, hein, quand on ne sait plus où donner de la carte bancaire devant toutes les merveilles qui déboulent sur le marché ? Et pourtant c'est vrai : ce morceau nous emmène bien au-delà des espérances que l'on aurait pu miser sur BJH, au vu des dernières productions. Quel titre ! Tiens, j'vais me l'réécouter illico ! A tout de suite…

Ça y est : je l'ai réécouté. Histoire de me redonner le moral avant de vous parler du dernier album de BJH. 1997 : "River of dreams". Album distribué uniquement en Allemagne ! Lui aussi débute par un titre single : "back in the game". RAS. Bel album, avec notamment l'émouvant "children of the disappeared", le "Mr. E" au refrain entêtant, "3 weeks to despair" qui fait appel au sax' et à l'harmonica. Avec surtout le très beau titre "yesterday's heroes", dont l'introduction fait penser, en beaucoup mieux, au "you're in the army now" de Status Quo (titre qui m'a marqué puisque j'y étais quand il est sorti…).

Je ne reviendrai pas sur les albums issus du split de BJH – ressuscitant les 2 formations d'origine – qui ont déjà été traités dans le Koid'9.

Conclusion de cette longue histoire (cette conclusion n'engageant que son auteur, puisque je n'ai malheureusement pu la soumettre à JESUS, qui je crois est en congés) :

Ce n'est pas un hasard si BJH est si souvent cité dans les chroniques de votre 'zine préféré, pour vous aider à vous repérer, un peu comme on fait référence à Yes, Genesis, King Crimson, Van Der Graaf Generator, ELP, Ange, Tangerine Dream, etc… Malgré la teneur un peu négative de cette dernière partie, offrez-vous le "Live tapes" de '78, et vous vous taperez toute la collec' !

BJH reste et restera un groupe incontournable de légende(s), ayant connu un succès "relatif", excepté en Allemagne. Je me souviens d'un article qui m'avait à l'époque (tournée '84) profondément choqué, dans "Ouest-France", notre putain d'quotidien régional, qui avait pour titre "Barclay James Harvest – Les papys font de la résistance" ! Faut-il savoir s'arrêter quand il en est encore temps ? Je le répète, les albums de ces 20 dernières années ne sont pas mauvais – d'ailleurs ils conviennent parfaitement à un certain public – mais la magie musicale n'opère plus comme avant. J'ai été un grand fan et je garde beaucoup d'affection pour ces grands bonshommes, qui n'ont jamais vendu leur âme au diable. N'hésitez pas à me contacter si vous souhaitez des précisions (mais pas des copies !) sur cette impressionnante discographie que nous n'avons fait, au cours de ces 4 épisodes, que survoler ; et ce du mieux que nous avons pu. Tchao !

Jean-Yves Huonic




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