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Je ne vais pas vous faire le résumé des œuvres complètes de Tangerine Dream, surtout que le groupe, réduit depuis quelques années au duo formé par Edgar Froese et son fils Jérôme, a fait preuve d'une grande prolixité depuis la formation de leur compagnie indépendante, TDI (qui vient d'être rebaptisée TDP). Entre albums réguliers, live inédits, compilations de titres rares, musiques de films, remix (oui, oui, il existe 3 albums des fameux "Dream mixes", versions souvent réenregistrées totalement aux teintes ambient et techno !), Tangerine Dream a dû sortir plus de 30 albums dans les 10 dernières années.
Depuis peu, cependant, la production s'est considérablement ralentie. Le groupe a apparemment travaillé d'arrache-pied sur un concept assez particulier qui lui tenait à cœur : l'adaptation musicale et scénique de la première partie du fameux ouvrage de Dante Alighieri, "La divinia commedia".
Sorti depuis déjà plus d'un an "Inferno" est un album enregistré en concert en Allemagne lors de 2 concerts donnés en en 2001. Comme à l'habitude avec TD, le son est absolument parfait !
Fait sacrément inhabituel pour le groupe allemand, ce projet est vocal ! Ce n'est pas la première fois pour TD mais jamais un de leurs albums ne fut chanté à ce point-là. En effet, les Froese père et fils qui, sur ce disque, ne jouent que des synthétiseurs (pas de guitare cette fois) ont fait appel à pas moins de 6 chanteuses : Jayney Klimek, Barbara Kindermann, Claire Foquet, Jane Monet, Bianca Acquaye et Bry Gonzales, ainsi qu'à la percussioniste/chanteuse Iris Kulterer. Le nom de Jayney Klimek vous sera peut-être familier, elle chanta notamment plusieurs fois avec Tony Banks (sur "Bankstatement" et "Still"). Les chanteuses interviennent chacun leur tour, parfois en duo mais il est vraiment dommage qu'elle ne soient pas créditées morceau par morceau. On ne peut donc suivre qui chante quoi, à moins de déjà connaître leurs voix. Le livret cite 3 sopranos, 3 altos et une mezzo-soprano. En fait, certaines chanteuses sont de toute évidence des cantatrices d'opéra, d'autres non. Il m'a semblé entendre souvent la voix suave de Jayney Klimek. L'album compte 18 morceaux en tout (entre 2:38 et 7:57) pour un total de plus de 79 minutes. "Inferno" est un album déroutant, beau mais souvent sombre. Les influences ne viennent pas toujours du classique et il est parfois surprenant d'entendre les séquences rythmiques et les harmonies caractéristiques de Tangerine Dream à une certaine époque (notamment les années 80) derrière les parties chantées. Cela dit, beaucoup de titres sont effectivement orchestraux, sonnant souvent plutôt modernes : Les Froese aiment les sons assez originaux, voire étranges, "futuristes"… et n'imitent pas souvent les vrais instruments classiques – sauf peut-être la flûte et le hautbois qu'Edgar Froese affectionne particulièrement. Dommage que les paroles ne figurent pas dans le livret (seulement des photos et l'explication de l'histoire). Les titres sont curieusement en anglais mais aussi en italien, et il y a même le final dont le titre est en français.
Sur la longueur, l'auditeur est confronté à des pièces bien différentes et à différents types de voix mais il faudra une écoute attentive pour apprécier pleinement cet album. Les voix sont souvent très belles (bien que je trouve une des sopranos assez agaçante) mais la musique semble parfois glaciale, bien qu'on ait aussi de nombreuses parties splendides (notamment le final "Béatrice, l'âme infinie"). Sans aucun doute, une œuvre qui mérite qu'on s'y attarde.
"Mota atma" est bien différent. Cet album totalement instrumental et interprété exclusivement sur des synthés par le duo Edgar et Jérôme Froese est la musique d'un documentaire japonais dont le sujet n'est pas exposé ; encore une fois, on reste sur sa faim à ce niveau (il n'y a même pas un livret de 4 pages, juste une carte recto/verso, c'est quand même léger!). La musique est ouvertement très futuriste, évoquant l'espace, planante. Elle se rapproche parfois des albums des années 70 avec cependant des textures sonores beaucoup plus modernes. L'album dure 71 minutes pour dix morceaux, allant de 5:33 à 8:38. Quelques titres sont un peu trop délayés, musique d'illustration oblige. Pourtant "Mota atma" est un bel album, relaxant, aux sonorités magnifiques, avec un retour aux pulsations rythmiques, aux séquences de sons cristallins ou imitant une basse, des gouttes d'eau, etc. qui firent la gloire du groupe. On a aussi quelques percussions électroniques, voire des rythmes assez "ambient "suivant les titres. Plusieurs morceaux sont partiellement ou totalement sans rythme, un peu dans le style du magnifique mais très planant "Seven letters from tibet" que le groupe a sorti en 2001. D'autres sont plus énergiques (l'obsédant "prophet in chains"), mais rarement. Les sons de synthés sont très beaux, purs, parfois un peu froids sans doute mais ce point restera éternellement une notion plus ou moins subjective. Il y a beaucoup de bruitages ponctuels aussi, des échantillons de voix considérablement traités. A noter, le très beau final "a day in liberty valley", une lente glissade au thème triomphant, évoquant quelque peu celui de "Thief" en 1981. Bref, on peut considérer facilement ce disque comme une des bonnes cuvées du Rêve Mandarine en matière d'illustration sonore.
Marc Moingeon
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