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Ecrire cet article, pour un amoureux de la voix de Mike Baker comme votre humble chroniqueur est l'un des exercices les plus difficiles qui soient.
Première constatation à l'écoute de "Digital ghosts": Shadow Gallery reste fidèle à son style tout en le modifiant sensiblement. L'intro de "with honor" ressemble largement à celle de "Tyranny" (l'instrumental "stiletto in the sand"). Les chœurs fantastiques sont toujours de la partie, plus que jamais, tout en sonnant de manière un peu différente du fait de l'absence de Mike Baker. Ils sont probablement plus réalistes avec moins de pistes réenregistrées, ce qui était déjà le cas sur "Room V".
Deuxième constatation : ce nouveau CD est globalement plus heavy que les précédents. J'ai toujours claironné que le groupe se situait au delà de l'étiquette "metal progressif" en raison des nombreux morceaux hors du genre metal. Ce n'est plus le cas ici et certains s'en réjouiront probablement. Ceci dit, même si, sur les sept morceaux de l'édition normale, deux sont assez agressifs ("venom" et "strong"), les cinq autres contiennent de multiples parties et toujours des sections calmes. "Digital ghosts" est un album très compact, bourré d'idées, avec des morceaux assez longs et vraiment changeants, un album plus progressif en fait, dans le sens technique du terme.
"With honor" qui démarre l'album est le titre le plus long (10 minutes) et le plus complexe probablement, avec une courte intro synthétique, une soudaine explosion de guitares sur une rythmique rapide, puis un couplet plus lent, un refrain épique imparable, des mélodies secondaires, plusieurs parties instrumentales avec solos de guitares et de synthés, une section a capella aussi inattendue que magnifique ("the prophet song" de Queen me vient à l'esprit) et un long final apaisé et mélancolique, avec un piano cristallin et des synthés orchestraux. De nombreuses écoutes seront nécessaires pour apprécier toutes les subtilités de ce morceau. "Venom" est nettement plus direct et agressif mais mélodique aussi, quoi que certaines parties soient assez heavy et les vocaux de Clay Barton et Carl Cadden-James sont bien rudes malgré les chœurs et les harmonies de guitares qui enrobent le tout.
"Strong" avec un Ralf Scheepers assez difficile à reconnaître, au chant assez torturé, est basé en premier sur un tempo moyen, avec un riff assez classique du groupe, au refrain assez fort mais auquel il manque un petit quelque chose, malgré ses textes touchants et ses parties instrumentales brillantes et variées (dont un solo de guitare archi-fluide de Sdrjan Brankovic d'Expedition Delta, projet où Gary avait contribué en 2007).
"Pain" est un morceau typique de Shadow Gallery conciliant guitares cristallines et mélodies sensibles avec un côté plus heavy et épique, le tout avec plusieurs solos de guitare impressionnants et des harmonies de guitare électrique à la Queen. "Gold dust" qui suit est de nouveau plus énergique dès le début et même assez speed, avec un Joe Nevolo déchaîné et toujours aussi impeccable à la batterie mais là encore, le morceau recèle pas mal de changement de rythmes et un refrain très accrocheur qui rappelle quelque peu "legacy", avec Vivien Lalu invité sur un solo de synthé tourbillonnant. Ce sont les deux derniers morceaux, dépassant chacun les 9 minutes mais assez nettement différents, qui constituent peut-être l'apogée de cet album. Le morceau-titre, tout d'abord, rappelle effectivement le meilleur Shadow Gallery, avec un riff rapide très accrocheur et grandiose, une mélodie vocale qui rentre immédiatement dans la tête et un texte émouvant, le tout suivi d'un refrain entêtant. C'est l'un de ces parties vocales que l'on retient de bout en bout, fluide, logique, magique. La suite instrumentale qui constitue la deuxième partie est elle aussi exceptionnelle, un voyage baroque aux multiples facettes à la fois technique mais surtout très mélodique. Et enfin, "haunted" est nettement plus chanté, un morceau à la première moitié à la fois douce, sombre et tragique, dominée par un piano au son sépulcral et des chœurs angéliques, se terminant par un solo de guitare déchirant de Gary Wehrkamp rappelant Brian May, avant une partie plus rapide, linéaire et heavy, qui ralentit progressivement pour laisser place à une troisième section à la fois majestueuse et grandiose, en forme d'hymne, s'achevant sur le piano et le martèlement lent de la batterie qui s'éloigne.
Quand au chant, c'est une affaire délicate. Brian Ashland rappelle parfois Mike Baker, mais cela peut être dû en partie à la similitude dans les mélodies, la façon de les interpréter. Le nouveau chanteur possède une voix plus sèche, au registre moins large et son timbre est souvent un peu nasillard, ce que Mike Baker ne faisait plus depuis le premier album. On pourrait évoquer une sorte de mélange aussi étrange qu'improbable entre Geoff Tate (Queensrÿche) et Fish ou Peter Nicholls… Entendez par là un chant plutôt aigu, à la gorge serrée, forcé, contraint. Il faut s'y habituer mais parfois, comme sur les deux derniers morceaux et surtout sur les passages calmes, Ashland est plus sobre et plus naturel, et c'est dans ces moments là, comme sur le début sombre et majestueux de "haunted", qu'il est le plus inspiré.
Musicalement, Wehrkamp, Allman et Cadden-James ont produit un opus très fort sur le plan instrumental et aussi sur le plan mélodique, quoique la complexité supplémentaire ne soit pas forcément un élément appréciable pour tous. Espérons seulement que le gorupe saura retrouver l'équilibre entre ombre et lumière qui caractérisait les précédents opus, avec ces moments de douceur symphonique exceptionnels.
L'édition spéciale en digipack 4 volets comporte en bonus quatre morceaux, dont une partie a cappella bâtie sur les chœurs de plusieurs morceaux mixés ensemble, la version démo de "gold dust" avec Carl CJ au chant et surtout les deux magnifiques ballades où chante Mike Baker : une nouvelle version rallongée de "two shadows" qui figurait sur l'édition japonaise de "Room V", où Gary a rajouté une magnifique section symphonique aux claviers et puis l'émouvant "world of fantasy", qui en touchera plus d'un, pour peu que l'on soit amateur de cette voix si douce et vibrante que pouvait prendre le chanteur. Un testament poignant et absolument indispensable à tout amateur du groupe…
Marc Moingeon
A lire Ă©galement l'interview de Gary Wehrkamp rĂ©alisĂ©e par Marc, parue dans le mĂȘme numĂ©ro de Koid9
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