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Revoilà le grand guru de la musique électronique allemande avec un opus tout neuf, tout beau, tout frais, baptisé "Kontinuum" comme pour signifier que rien ne se perd ni ne se gagne jamais, mais que tout se transforme... doucement. Et comme pour bien nous démontrer que ses ennuis de santé de 2005/2006—des problèmes de dos—ne sont plus qu'un vieux souvenir, Klaus prend en charge l'intégralité de la musique de cet album.
Trois morceaux seulement, pour respectivement 24:54, 19:41 et 31:47 composent l'album, pour un total de 76:22. Les développement sont longs et méthodiques, travaillés et tentent de se faire du temps un allié plutôt qu'un adversaire.
"Sequenzer (from 70 to 07)" démarre avec une séquence de piano puis de synthé. Le son change, devient plus sourd, plus mat, pour redevenir cristallin et ça repart. On s'inscrit d'emblée dans la durée. On agrippe alors fébrilement le superbe digipack à la dominante vert malachite orné en couverture d'une oeuvre de Thomas Ewerhard. 24:54... ah oui, en effet. On en prend pour un moment. Et bien écoutons. Les références au passé sont nombreuses, ici, même si les sonorités sont plus modernes que sur les anciens disques. On pense à "X", "Moondawn" ou encore—et surtout—"Mirage". Et le titre n'est pas trompeur non plus : Klaus fait bien appel surtout à des séquenceurs et à des loops. Le temps devient de ce fait une notion incontournable, lorsqu'on laisse son esprit s'abandonner et vagabonder à l'écoute de ce morceau.
Plus sombre, "euro caravan", la seconde plage, reprend plus ou moins là où se terminait la précédente, dans une sorte de continuum, sur un thème très dans les basses et très lent, avec force claviers en nappes. Il fait rapidement appel à des samples de voix. On est ici dans des réminiscences d'oeuvres plus récentes de Schulze, comme "Are you sequenced ?". Les séquences, vibrantes, n'arrivent que sur le tard, vers 8 à 10 minutes, le disputant aux samples de voix. Ça sautille beaucoup, à partir de là, même si le côté sombre demeure, ajoutant encore à l'étrangeté de l'ambiance.
Je ne vous surprendrai pas non plus en disant que le passage au troisième morceau, "thor (thunder)", se fait toujours incidemment et sans rupture. Pourtant, on passe tout de suite sur des choses plus descriptives, des paysages plus que des émotions. Avec sa demi-heure passée de près de deux minutes, il est le plus long des trois, ce qui augmente encore la place alloué au temps, une notion dans la maîtrise de laquelle Klaus n'a de leçon à recevoir de personne. Les paysages évoluent, changent, et la rêverie démarre. Sons divers, souvent réminiscents de la nature, depuis le vent (le fameux bruit blanc—white noise) jusqu'au tonnerre, émaillent les séquences qui montent jusqu'à l'arrivée des percussions autour des 15 minutes. De très atmosphérique on est maintenant passé sur des rythmes extrêmement entraînants. Et l'on poursuit ainsi jusqu'aux 23 minutes environ, où l'artiste nous invite à faire une pause, comme pour mieux réfléchir aux développements précédents, à ce qu'on vient d'entendre, à ce qui s'est passé. Le final est tranquille et introspectif, comme tout l'album, finalement.
Beaucoup moins descriptif, moins figuratif que son prédécesseur et beaucoup plus émotionnel, ce "Kontinuum" est sans doute aussi plus personnel et introspectif. Il ressemble à une sorte de bilan, de rapport de situation. On dirait que Klaus a souhaité faire un point à un instant t, juste pour le cas où...
Bien qu'excellent, "Kontinuum" ne s'adresse pas au profane souhaitant découvrir le Maître. Pour cela, on lui préférera "Moonlake". Mais pour quiconque a apprécié la carrière de Klaus et en particulier ses grands albums des 70s, "Kontinuum" ne sera que du plaisir.
Benoît Herr
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