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Philippe Ménard : Shanghai Blues (2007 - cd - parue dans le Koid9 n°65)

(1396 mots dans ce texte )  -   lu : 827 Fois     Page Spéciale pour impression

Le big boss est un petit malin ! Fan invétéré de Tequila, voilà qu'il profite d'une double livraison de son ex-tête pensante, Philippe Ménard, pour créer une rubrique blues dans Koid'9! Et il me refile les bébés... mais comme tout le monde va croire que ça vient de bibi, devinez qui va se faire engueuler par les collègues : "Quoi ! Du blues dans Koid'9? Non mais je rêve !!!!".

LE DVD : Etoile Royale (2006) (Accès direct au cd Shanghai Blues)

Bon, je n'irais pas jusqu'à dire que je suis tombée dans le blues toute petite, non, mais après le hard-rock dans mon adolescence, la musique du diable fut ma deuxième grande révélation à l'aube de mes 20 ans.

Quelques heures de vol plus loin je pensais donc avoir un peu fait le tour de la question. Ce DVD est gentiment revenu me remettre les idées et les certitudes en place !

Philippe Ménard est à la tête du groupe le plus soudé qu'il m'a été donné de voir depuis les désormais quelques décennies que mon principal intérêt dans la vie est la musique ! En effet, derrière notre homme à la guitare et au chant on retrouve Philippe Ménard à la batterie, Philippe Ménard aux percussions et Philippe Ménard à l'harmonica ! Eh oui, tel le Rémy Bricka qui a émerveillé l'enfance des quadras et plus dans mon genre, l'ex-leader de Tequila nous fait redécouvrir le blues à sa façon. Il se distingue toutefois de l'homme-orchestre par le fait que non seulement il n'a ni lapin ni colombe dans son couvre-chef mais surtout parce qu'il a 2 grosses caisses... heureusement pas sur le dos je vous rassure ! En bricoleur de génie Philippe s'est fabriqué tout un système qui lui permet de s'auto-suffire sur scène. Une guitare, le plus souvent electro-acoustique, sur les genoux, un harmonica autour du cou et une grosse-caisse avec cymbales à chaque pied et le voilà qui égrenne un répertoire agrémenté de quelques compositions personnelles mais essentiellement basé sur le blues des pionners : Robert Johnson bien sûr mais aussi Tampa Red, Reverend Gary Davies, Huddie "Leadbelly" Leadbetter ou plus proche de nous JB Lenoir ainsi que R.L Burnside décédé récemment en 2005.

Ce dernier n'hésitait d'ailleurs pas à expérimenter (pas forcément toujours avec un goût exquis soit dit en passant) et fait le pont entre tous ces bluesmen acoustiques et le traitement un peu plus rock que revendique Philippe dans l'interview en bonus de ce DVD. Il n'attend sûrement pas non plus mon avis pour se rassurer... mais sans conteste sa musique est bien du blues et pas du "n'importe quoi" comme il le redoute dans l'interview. Si ces 90 minutes n'étaient pas du blues alors celui-ci n'existe plus ! Bien sûr il y met une certaine fougue, ce qui le raccroche aussi un peu au rock, et je suis bluffée en le voyant totalement rentrer dans son truc tout en continuant à assurer le rythme avec ses pieds sans défaillir ! Il se permet même d'ajouter des percussions en frappant sur la caisse de sa guitare. Impressionnant réellement de le voir ainsi rester maître de son sujet malgré son immersion totale au plus profond de lui-même pour faire ressortir ce qu'il ressent !

Que dire de plus sur ce magnifique DVD pour vous le décrire au mieux ?

Notre homme avoue avoir adoré Johnny Winter mais ne plus être trop dans ce trip dans son concept actuel de One Man Blues Band, par contre l'ombre de ce bon vieux Rory Gallagher plane en permanence sur ce concert. Le son qu'il tire de son électro-acoustique, son jeu et le choix de certains titres ("bullfrog blues", laundromat") font indéniablement penser au regretté irlandais quand il posait sa rape électrique et quand il entâme "out on the western plain" le doute n'est plus permis : la fantôme de Rory hante l'endroit.

Autre curiosité à voir absolument autant qu'à écouter : sa version de "you gotta move". On se souvient de l'interprétation dantesque que firent les Rolling Stones de ce classique de Fred McDowell/Reverend Gary Davies sur l'indispensable "Sticky fingers". Et bien celle qui est couchée sur ce DVD est toute aussi incroyable. Philippe s'empare d'un bow diddle, curieux instrument dont l'exemplaire utilisé ici me semble de sa fabrication, mais je m'avance peut-être : une planche de bois, un système de captation rudimentaire et une seule corde sur laquelle il tape d'une main avec un manche de tournevis tandis que l'autre main produit le slide toujours avec un manche de tournevis ! Et la magie fonctionne ! L'émotion est parfois si simple !

En conclusion, capté à Etoile Royale, un studio télé de Lyon créé en 1998 à l'ambiance de caf' conc, voilà un DVD que je vous recommande chaudement si vous voulez prendre une bonne dose de blues authentique dans les oreilles et dans les mirettes. Je ferai toutefois 2 petites remarques. Tout d'abord l'absence de menu permettant l'accès direct à un blues en particulier sans que ce soit vraiment rédhibitoire. Par contre la coupure systématique entre chaque morceau pour annoncer son titre et son compositeur est très désagréable car elle casse un peu l'ambiance. De plus elle est quasi illisible.

Ceci ne doit pourtant pas vous empêcher de vous ruer sur cet objet sur www.philippemenard.com. L'image est une valeur ajoutée indéniable à la musique et une invitation supplémentaire à ne pas louper le prochain passage du One Man Blues Band près de chez vous.

Ce sera mon cas, sans hésitation car c'est une sacrée découverte !

LE CD : Shanghai Blues (2007)

Je ne connaissais pas du tout le parcours de Philippe Ménard depuis "Chacun pour soi", dont je n'étais pas non plus super fan (mais le big boss nous dit que ce n'est pas forcément le meilleur) et n'ai découvert l'excellent et très "gallagherien" "Téquila live" que très récemment. De plus, avant un article paru il y a quelques années dans Crossroads je n'avais même jamais fait le lien avec Tequila. Je découvre donc seulement aujourd'hui que "Shanghaï blues" est son 7ème album solo, auquel il faut bien sûr ajouter le DVD live chroniqué ici-même.

Le qualificatif Blues-rock est beaucoup plus approprié ici qu'en live. Sans tomber dans un déluge de décibels à la Popa Chubby ou Gary Moore, la guitare est indéniablement plus électrique et l'orchestration plus fouillée, bien que Philippe ne déroge pas à sa règle de tout faire tout seul. On entend de ci de là un piano et, j'en mettrais ma main au feu, de la batterie programmée/boîte à rythmes pas forcément bienvenue ("still alive, still in love").

Contrairement au DVD le répertoire est ici presque exclusivement original, à l'exception de 2 titres live en fin de CD comme il le fait souvent sur ses albums. Philippe soigne ses textes (en anglais) auxquels il attache une grande importance (cf l'interview en bonus du DVD). Musicalement c'est plus diversifié que sur le DVD live mais bizarrement j'accroche moins. Il faut dire que j'ai pris une telle claque avec ce concert que tout à côté me semble plus convenu, plus conventionnel, moins conceptuel. Il manque l'image tout bêtement. J'ai quand même noté en particulier "wild cat pawns" au son très hendrixien mais toujours mâtiné de cette petite touche gallagherienne bien agréable.

Attention, ne vous méprenez pas sur mes propos : l'album est tout à fait recommandable. Je pense seulement que tout le matériel présent ici ne demande qu'à s'épanouir et être transcendé sur scène dans la formule du One Man Blues Band bien plus apte à retranscrire l'émotion et la sueur que le studio. Plus que toute autre je pense d'ailleurs en règle générale que le blues est avant tout une musique de scène qui a besoin de la communion des musiciens et du public pour produire son effet.

Laure Dofzering

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