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Préambule : cet article inédit, regroupant plusieurs chroniques axées jazz, a été rédigé en octobre 2012 pour une parution dans le n°83 mais n'y a pas trouvé sa place. Ces albums n'ayant pas été retraités ultérieurement dans le magazine, c'est la raison pour laquelle nous le publions aujourd'hui
CHRONIQUES DE JAZZ …
ou comment faire jazzer un progtologue !
L'idée de cet article m'est venue en constatant que dans notre trame de travail pour le numéro que vous avez entre les mains, nombre d'albums du label Moonjune n'allaient pas trouver de volontaire car à priori trop typés jazz / jazz-rock. Ainsi, si vous avez dû trouver quelque part dans ces pages les impressions de mon collègue Patrick sur les excellents Mahogany Frog et SH.TG.N du même label, d'autres perles comme Ligro ou Tohpati Bertiga n'auraient pas l'extrême honneur d'arriver jusqu'aux oreilles les plus averties (n'est ce pas Jean-Christophe ?) des lecteurs de Koid9 ?
N'écoutant que mon courage, et profitant du fait que j'avais récemment acheté d'autres cd un peu "borderline", je me suis senti le devoir de sortir très provisoirement de ma flemmardise aiguë pour réparer ce fâcheux manque, pensant – j'espère à raison - qu'un lecteur du Koid9 éclectique est tout aussi apte à s'intéresser à la dernière découverte fm-hardisante germano-suédoise de chez Frontiers qu'aux notes de quelques norvégio-indonésiens torturés.
Bref, voici ci-dessous, un petit aperçu de sorties récentes (encore que …) en matière de musiques que l'on se sait pas trop où caser pour faire plaisir aux étiqueteurs : s'agit-il de jazz, de jazz-rock, d'avant-garde ou de je ne sais quoi d'autre ? A vous de voir si au fond tout cela n'est pas non plus regroupable sous la bannière "musiques progressives".
Terje Rypdal
Odyssey In Studio and In Concert
(ECM)
Ouvrons le bal par une nouveauté qui n'en est pas vraiment une, en tout cas en partie seulement. Je m'explique … Il y a bien longtemps, au siècle dernier, deux inventeurs du nom de Philips et Sony, se mirent en tête de nous prouver par a+b que leur géniale trouvaille appelée compact-disc allait reléguer nos bons vieux vinyles dans nos greniers d'où ils ne sortiraient que lors des traditionnels vidages de printemps de ces derniers. Au début, tout le monde trouva cela effectivement fabuleux et entreprit le rachat complet de sa "vinylothèque" en "cdthèque" et ce en dépit de rééditions souvent pitoyables et bâclées : qualité audio moins bonne, livrets non reproduits et, pire, charcutage des titres. Ainsi, du fait de la capacité limitée du providentiel support (74mn aux tout débuts, puis 80mn) et par souci d'économie, beaucoup de double-albums se virent amputer de quelque(s) titre(s) pour les faire tenir sur un seul cd. Mais petit à petit les ventes s'essoufflèrent, la jeunesse, mais aussi certains "vieux" indĂ©licats, ne voyant pas l'intérêt d'acheter d'encombrantes rondelles de plastique alors que l'on pouvait tout trouver gratuitement sur internet en 2 clics de souris et le supprimer tout aussi facilement de ses mini-walkmen pas plus gros qu'un briquet ! Le principe du rasoir jetable appliqué à la culture !
Philips, Sony et les autres se rappelèrent alors qu'ils n'avaient pas fini le boulot et inventèrent la remasterisation, la remasterisation de la remasterisation, l'exhumation de fond de tiroirs, puis celle du tiroir d'en dessous, l'anniversaire des 25 ans, celui des 30 ans et ainsi de suite … si bien qu'au final les désormais vieux possesseurs de vinyles dont je parlais plus haut ont acheté 5 ou 6 fois le même disque (et ce n'est pas encore fini!), faisant bien marrer leurs gosses qui ne comprennent toujours pas que l'on puisse payer de la musique !
Curieusement, l'album qui nous intéresse a un peu échappé à toutes ces étapes, pour nous arriver aujourd'hui pour la première fois, presque 40 ans après sa parution, dans une réédition cd complète, et même augmentée d'un joli cadeau bonux.
"ENFIN ! " est-on en droit de s'exclamer, car il faut bien admettre que la seule réédition cd battait des records d'irrespect de l'oeuvre originale. On se demande même comment un label à priori humain comme ECM avait pu en arriver à un tel résultat digne d'une multinationale. "Odyssey" dans son format double-33 tours d'origine s'étendait approximativement sur 85 minutes. Cela en faisait donc une bonne dizaine de trop pour le coucher sur cd en 1991. ECM n'y est donc pas aller avec le dos de la cuillère et s'est carrément débarrassé de la face 4 du vinyle et du seul titre qui la compose. Or, quitte à tuer de suite le suspense de cette chronique qui, malgré ses déjà environ 30 lignes, n'a même pas encore commencé, les 24 minutes de "Rolling Stone", pour ceux qui ne connaissent pas l'album, justifient à elles seules l'achat de cette petite merveille. La musique de Terje Rypdal y est parfaitement résumée : une beauté aussi glaciale que les fjords norvégiens sur la rive desquels elle a été enregistrée.
La recette est finalement assez simple : une ligne de basse en boucle, hypnotique et entêtante, une batterie aussi légère qu'une plume, des nappes de synthé et là-dessus des phrases de saxophone et de guitare qui viennent carrément déchirer l'apparente apathie. Bon sang que c'est beau !
Oh bien sûr de temps à autre cela bouge un peu plus comme sur "over birkerot" par exemple, en ouverture du cd2, mais la plupart du temps des fresques telles que "midnite", "adagio" ou "fare well" vous plongent en apnée sous la banquise. C'est que la musique de Rypdal prend son temps entre chaque respiration, ici pas de déluge de notes, ce n'est pas le genre de la maison. A l'image d'un David Gilmour par exemple, c'est le poids de chacune d'elles qui comptent, pas leur nombre et en ce sens j'ai beaucoup de mal à situer cette musique en terme d'étiquette, disons que je la placerais à l'intersection de deux routes sensées ne jamais se croiser : Miles Davis (celui des 70s) et Pink Floyd de la même époque, ni rock, ni jazz mais planante certainement, et par conséquent fortement conseillée à un amateur de prog. Un chef d'oeuvre absolu en ce qui me concerne, enfin réhabilité par son éditeur.
D'autant que, cerise sur le gâteau, le troisième cd de ce petit coffret, intitulé "Unfinished Highball", propose un concert de presque 70 minutes totalement inédit, non seulement par le fait qu'il dormait au fond d'un tiroir depuis presque 40 ans, mais également par le matériel qu'il contient. En effet aucun des titres n'a jamais été entendu auparavant sur un album, à l'exception de "Dine and dance to the music of the waves" que les connaisseurs reconnaîtront comme une ébauche de l'album "Waves" paru en 1978 dans une version fort différente cependant.
Et cela n'a rien d'étonnant car la formule adoptée pour ce concert de 1976 à la radio suédoise est elle aussi inédite. Le groupe, car à ce moment "Odyssey" est devenu par extension le nom du groupe de Terje, est accompagné par le Swedish Radio Jazz Group, une entité qui compte en son sein une bonne dizaine de cuivres. deux basses, un mellotron et une batterie. Inutile de préciser que cela change considérablement la couleur de la musique habituelle de notre homme, l'habillant cette fois réellement de jazz tout en conservant la patte du maître reconnaissable entre mille dès lors qu'il égrène ses notes. Une sacré découverte !
Un dernier mot pour l'emballage. Comme le veut la charte graphique ECM c'est on ne peut plus sobre : un petit coffret blanc, contenant les 3 cd dans des étuis cartonnés blancs et un livret noir et blanc de 26 pages très détaillé sur la genèse de l'album et du concert bonus. Par contre, à l'exception d'une toute petite photo de 6 sur 6 en page 23, on a perdu l'artwork original ci-contre. Que ce petit bémol ne vous empêche pas d'acquérir ce joyau d'urgence !
Quittons les forêts scandinaves, mais pas les chefs d'oeuvre, pour des contrées beaucoup plus exotiques, surtout en matière de musiques dites "rock" : l'Indonésie.
Et dans le genre "rock" ça commence très fort, en fait comme avait fini l'album précédent, par un titre de … hard rock (je n'ai volontairement pas écrit "metal" )! Un peu comme pour nous mettre au parfum d'entrée : "attention les p'tits amis, installez-vous bien confortablement parce que çà va envoyer sec !".
C'est en fait le seul point commun entre ces deux albums du guitariste Tohpati, de son vrai nom Tohpati Ario Hutomo. Le premier, "Save the planet" était sorti en 2010 sous l'appellation Tohpati Ethnomission (un nouvel album est annoncé pour 2013) et, mise à part donc son dernier titre, se rapprochait plus des travaux du groupe dont il n'est "que" le guitariste, Simak Dialog (2 albums chez Moonjune Records également), une sorte de big band produisant une musique jazz/ jazz-rock sous fortes influences ethniques locales.
Ici point de big band puisque, vous l'aviez noté, parlant indonésien aussi couramment que moi, Bertiga sous-entend "trois". Le titre de l'album lève toute ambiguïté et enfonce le clou : c'est bien la formule power-trio qui est au menu.
Et quel festin ! "upload" ouvre donc le cd en trompe l'oeil avec ses gros riffs sortis tout droit d'un groupe de fusion mais si par la suite les watts diminuent, l'intensité, elle, reste la même. Dès le deuxième titre c'est beaucoup plus léger et très funky, funk que l'on retrouvera sur "bertiga" en toute fin d'album. Puis petit retour à la fusion avec "riot" et ses sonorités assez "vanhalenniennes". Et ainsi de suite, chaque titre va nous entraîner vers des rivages forts différents. Par exemple "pay attention" et "lost in space" semblent plus inspirés par les guitaristes jazz-rock mélodiques à la Stern, Scofield ou Carlton tandis que certains passages de "rock camp" ou "absurd" peuvent faire penser à du Satriani mais sortent vite du chemin pour se lancer dans les improvisations les plus folles.
Tohpati est un génie de la six cordes c'est un fait, mais cela ne suffit pas à faire de la bonne musique. Il ose tout, y compris le scratch sur "disco robot", mais ne laisse jamais l'impression qu'il veut nous en mettre plein la vue. Bien sûr certains ne verront là-dedans que de la démonstration gratuite, comme je la vois moi-même dans des tas de projets instrumentaux de ce genre à base de guitariste bavard, mais évidemment personne ne perçoit les choses de la même façon. Les goûts et les couleurs …
Je trouve pour ma part que cette musique respire, qu'elle est certes virtuose, d'autant que Indro Harjodikoro à la basse et Adityo Wibowo à la batterie ne sont pas des manchots non plus , mais également d'une inventivité et d'une fraîcheur incroyables, assez inclassable et surtout jamais "foutraque" malgré les noms aussi divers cités plus haut, l'oeuvre d'un musicien intelligent qui met sa technique au service de la musique et non l'inverse et sait rester cohérent.
Dernier petit détail : le disque a été enregistré live sans pratiquement d'overdub. Cela en dit long sur la spontanéité du jeu de ces messieurs. Longtemps qu'un disque de guitare instrumentale ne m'avait pas fait un tel effet ! A vous de juger sur http://moonjune.com .
Toujours indonésien, à croire que Moonjune est tombé sur un filon (il semblerait d'ailleurs que Leonardo Pavkovic crée un nouveau label en 2013, MoonjuneAsia – Indojazzia, spécialement consacré à la musique de ce pays), toujours en trio et toujours virtuose, la musique de Ligro empreinte à peu près les mêmes traces que celle de Tohpati Bertiga. Du moins en apparence.
Car l'approche de la chose jazz-rock me semble quelque part plus classique. Certes les digressions rock /jam band voire hendrixiennes, comme sur "Don Juan" par exemple, sont bien là mais le tout m'apparaît plus calibré, moins improvisé … en tout cas sur la première partie du cd qui s'avère bouillonnante et assez démonstratrice, comme par exemple l'époustouflant "Stravinsky" dont le clip promo est visible sur notre site (page "Musiques"). "Future" nous entraîne même sur des territoires bluesy qui donnent un petit côté Robben Ford au projet. Tout semble en fait mis en scène pour mettre en avant le jeu à couper le souffle du guitariste Agam Hamzah.
Mais à partir de "Bliker 3" la physionomie du cd change sensiblement. Le rythme ralentit et la musique devient beaucoup plus expérimentale, moins écrite. Hamzah reste la vedette mais il sort de son rôle de guitar-hero traditionnel, délaisse les gammes et le jeu en accord pour se lancer dans l'impro, la recherche et une certaine dissonance. C'est à ce moment que l'on prend vraiment également la mesure du jeu de Adi Darmawan et Gusti Hendi, respectivement bassiste et batteur, qui construisent une base rythmique de haut vol. C'est sur le titre final, "transparansi", que le phénomène est le plus flagrant, à tel point qu'il demande presque une double écoute : d'un côté la guitare qui explore des lignes mélodiques extrêmes, de l'autre une rythmique de folie.
Bref, ces trois là s'y entendent pour vous dégoûter à jamais de prendre un instrument en main. Reste à connaître les accointances auditives de chacun pour supporter la recette. On en revient toujours au même problème du goût et des couleurs …
Moraine
Metamorphic rock
(Moonjune)
Pour finir ce mini-tour d'horizon du label Moonjune, le nouveau patron m'a dit "fais quand même le Moraine si tu veux". Il est vrai que la chose date déjà de 2011. C'est le 2ème album du groupe orienté prog du guitariste compositeur Dennis Rea. Pour la petite histoire on peut le retrouver dans des aventures très différentes, en solo ou avec le fabuleux Iron Kim Style, toujours chez Moonjune. Ce garçon ne manque pas d'idées !
"Metamorphic rock" retrace la performance du groupe au NearFest 2010. Je rassure ceux qui pense qu'un album live si tôt dans une carrière est un peu prématuré : 50 % des titres sont inédits, quant aux autres ils sont tellement revisités qu'il n'y a aucun risque d'un copier-coller avec leur version studio.
Au-delà d'un probable penchant à ne pas produire une musique figée, cela s'explique également par un bouleversement au sein du groupe depuis l'album "Manifest density" en 2008. Le violoncelle de Ruth Davidson, également principale co-compositrice sur le premier album, cède sa place aux saxophone et flûte de James DeJoie. Curieusement, c'est le violon de Alicia DeJoie (anciennement Allen sur "Manifest density") qui en profite car il me semble beaucoup plus en avant que sur les quelques titres que je connais de l'album précédent.
Le tout est également plus direct, plus percutant, plus énergique. Le rock de chambre à la Univers Zero se mue en quelque chose de plus prog, un peu à la Forgas Phenomena. Une musique aux frontières du jazz moderne, de l'avant-garde et du rock progressif. Pas forcément facile d'accès mais très attachant une fois apprivoisé.
Nils Petter Molvaer
Baboon Moon
(Sufa / Sony)
Christian Scott
Christian Atunde Adjuah
(Concordjazz)
Ok, ok, la pochette de ce disque fait plutôt peur ! On s'attend beaucoup plus à un mix de hip hop / r'n'b moderne indigeste (désolé mais mon éclectisme a malgré tout des limites!) qu'à l'album finalement le plus jazz de cette petite sélection. Smooth jazz en réalité.
Peut-être vous poserez-vous la même question que moi avant de connaître cet album : "c'est quoi, le smooth jazz ?". Je découvre seulement le terme alors qu'il semble désigner une forme de musique apparue à la fin des années 60 et qui consistait à rendre la fusion beaucoup plus accessible, se vautrant sans vergogne dans la pop pour la rendre fréquentable par les radios. Et c'est un petit peu là que ça coince ...
Je me suis laissé abuser par de nombreux extraits fort agréables où la trompette du jeune néo-orléanais est appuyée par une guitare aux arpèges particulièrement entraînants. Le problème c'est qu'à réception de l'album j'ai vite compris que tous les titres étaient à peu près sur le même format et qu'il m'était très difficile de retenir mon attention sur ces quasi 120 minutes (eh, oui !!! 2 cd !!). Certes il y a bien le premier titre, très "free" dans l'âme, ou encore d'autres où c'est le piano qui prend le relais mais le tout est quand même très monotone et bien peu aventureux, même si on n'est quand même pas emmitouflé dans la ouate comme chez Grover Washington Jr par exemple. Un petit grain de folie et quelques pétages de plomb concentrés sur un seul cd (23 titres c'est vraiment trop!) ne nuiraient pas à l'ensemble. En tout cas en ce qui me concerne cela me permettrait probablement de ne pas décrocher invariablement, voire à ne pas prendre ce cd en grippe au fil des écoutes.
Tout l'art de cette musique semble être de rendre la complexité accessible à tous mais je ne suis pas certain qu'elle atteigne son but. J'ai bien du mal à en cerner le public tant cet album entre deux eaux me paraît tout à la fois inaccessible au commun des auditeurs de musiques formatées et bien trop peu aventureux pour un auditoire exigeant. Pourtant à en lire les commentaires de ci de là, on serait en présence d'un chef d'oeuvre ...
Guillaume Perret and The Electric Epic
Guillaume Perret and The Electric Epic
(Tzadik)
Finissons par un artiste français et non des moindres. Guillaume Perret est un jeune saxophoniste électrique et j'attendais le premier album de son Electric Epic avec une certaine impatience depuis que je l'avais découvert il y a environ 2 ans en concert dans le petit, mais grand par la programmation, club des Lilas (93), Le Triton, puis revu un an plus tard au même endroit. Il a fallu apparemment tout ce temps avant de trouver un contrat de distribution. C'est finalement John Zorn qui s'est laissé séduire et héberge notre quartet dans la branche "Spotlight" consacrée aux jeunes talents de son propre label Tzadik.
Ces deux concerts m'ont tellement estomaqué et l'attente fut si longue qu'une petite crainte avait tout de même fini par s'installer : et si la magie de ses deux moments d'exception n'était pas retranscrite lors de son passage en studio ? Le doute était clairement injustifié, ces 56 minutes sont absolument captivantes, difficilement étiquetables et d'une puissance de feu phénoménale.
Je ne suis pourtant pas fan du saxo comme élément central mais Guillaume Perret réinvente l'instrument directement branché à un rack de pédales d'effets digne d'un guitariste. Quant à ses compositions, elles nous entraînent bien loin du jazz, parfois même tout près du metal, ne serait-ce que par l'énergie déployée et la monstrueuse frappe de Yoann Serra. On flirte parfois avec la zeuhl, sur "Circé" notamment, mais le bassiste n'étant autre que Philippe Bussonnet (Magma et One Shot) ceci explique peut-être cela. Côté guitares, c'est Jim Grandchamp qui œuvre. Il m'avait fortement impressionné en concert, non par une attitude guitar-hero qui serait particulièrement déplacée dans le contexte, mais bien par un jeu tout à la fois au millimètre et étonnamment débridé, collant parfaitement à l'ensemble. Cela se confirme sur cet album où au final personne ne tire la couverture à lui, pas même le leader/compositeur et le tout est d'une cohésion sans faille, y compris quand Médéric Collignon (dont je signale au passage la parution de son album hommage à King Crimson) ajoute son cornet et divers effets à la folie ambiante.
Attention toutefois à ne pas en déduire un peu vite que tout ici n'est que sauvagerie ! On titille parfois la world-music avec les sonorités orientales de "Ethiopic Vertigo" ou avec le titre d'ouverture "Kakoum" qui entame la fête en force mêlant jazz, electro, rock et sonorités qui m'évoquent l'Amérique centrale !
Et puis il y a ce pur moment de douceur, "Chamo", où Sir Alice vient poser sa voix angélique pour nous charmer en guise de dernière respiration avant les 20 minutes cumulées des deux derniers titres "Thème pour le rivage des morts" et "Massacra" qui, comme leur titre le laisse supposer, nous plongent dans un univers lourd, lugubre, torturé que ne renierait pas un Shub-Niggurath par exemple. Ce final vous cloue carrément au mur tant il dégage une impression de puissance qu'à mon avis bien des groupes de heavy ne sont pas en mesure de produire.
Grandiose est un mot qui me paraît bien faible pour décrire l'effet de ce disque sur ma petite personne. J'avais quelque part un peu peur que ce talent reste confidentiel mais il semblerait que la centaine de spectateurs du premier concert ait fait des petits. Certes nous ne sommes pas en présence d'une star du showbiz (et heureusement d'ailleurs !) mais sa récente nomination aux Victoires du Jazz et les commentaires dithyrambiques glanés sur le net et dans les médias (4 "F" Telerama, une de Jazz News ...) rassurent quant à la poursuite de l'aventure.
Musique et dates de concerts (en tournée cet hiver) : http://guillaume-perret.fr
PS : Guillaume Perret est également au casting du collectif Lebocal dont le dernier album vient d'être publié chez Musea Parallèle.
Ainsi s'achève cette petite sélection de musiques en marge de notre univers du rock progressif mais dont la complexité n'en est pas très éloignée. En espérant que certains albums attireront votre attention, arriveront jusqu'à vos oreilles et finiront par attiser vos sens. Ayant commencé ma carrière de "mélomane" il y a quelques décennies au son de Thin Lizzy, Ted Nugent, Foghat, Ganafoul ou Iron Maiden et y ajouter aujourd'hui des gens comme Nils Petter Molvaer, me fait dire que le grand écart est permis à tout le monde ...
Denis Chamignon
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