Mattsson : Tango (2010 - cd - parue dans le Koid9 n°74)

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Lars Eric Mattsson évolue encore sur ce 5ème album sorti sous son nom. De plus en plus incliné vers le metal progressif, on devrait même dire vers le rock progressif tout court, Mattsson n'hésite pas à sortir des sentiers battus sur ce nouvel album assez long (plus de 65 minutes) et fort complexe dans sa structure mais parallèlement assez accessible sur le plan mélodique, album qu'il a enregistré avec la participation de deux chanteurs  : Adrienn Antal (avec qui Lars avait déjà collaboré sur le magnifique "Dreamchild"), qui intervient sur la plupart des morceaux, et Markku Kuikka pour quelques morceaux. Le fidèle batteur Eddie Sledgehammer complète la formation. Lars lui-même prend en charge guitares, basse et claviers et se permet quelques parties vocales. Son timbre aigu et un peu plaintif n'est pas particulièrement enthousiasmant mais juste.

Côté mélange de genres, on est servi dès le début avec un morceau au couplet reggae et au thème principal dans un heavy metal épique typique de Mattsson  ! Refrain entêtant et lyrique, avec une Adrienn Antal plus en forme que jamais et un final constitué d'un motif sur lequel le musicien brode des variations en modifiant à chaque fois les arrangements  : soli de guitare entremêlés, orchestrations lyriques avec orchestre virtuel, des percussions très complexes. Bizarre, bizarre? Mais vous n'avez pas fini car le court morceau-titre est bel et bien bâti sur un rythme de tango, mais avec des arrangements un peu typés metal  !

Le gros plat de résistance est cette suite de 11 minutes "the grand escape", qui contient plusieurs parties mélodiquement inspirées où figurent les deux chanteurs mais les rythmes saccadés avec arrêt/départ constamment répétés que Mattsson a tendance à utiliser trop souvent ne sont pas très heureux et cassent la dynamique du morceau, qui reste assez orchestral par ailleurs.

"shadows" qui suit est bien plus accessible, presque linéaire, une belle ballade metal, avec beaucoup de piano et de claviers symphoniques, et toujours ce son de sitar que Mattsson affectionne depuis quelques années.

Un des intérêts de cet album est la richesse des timbres de guitares employés et le jeu très varié et de plus en plus précis et véloce du musicien, qui va du néoclassique au blues, intégrant aussi pas mal de parties orientalisantes ou même psychédéliques. Le guitariste a son style développé depuis des années et un son saturé plaintif très typique mais s'essaie aussi à toute une série de sons clairs ou distordus à côté, et utilise aussi souvent la guitare acoustique.

La fin de l'album est assez différente  : d'abord le multi-instrumentiste démontre tout son savoir-faire et sa versatilité sur une belle suite instrumentale intitulée "tour de force" (7:49), un morceau bigarré aux innombrables parties qui finit enfin de manière linéaire et rapide avec des soli classisants splendides. Et pour finir, une petite plaisanterie avec ce shuffle à la wah-wah un rien psychédélique, très typé seventies, "slave to the road", chanté par Marku Kuikka. Un détail qui a son importance  : il me semble que la musique ne perdrait rien de son intensité si Eddie Sledgehammer en faisait un peu moins et si sa grosse caisse avait un son moins artificiel (qui me rappelle celui de Lars Ulrich vers "And justice for all?"). D'accord, le gars est fort, tout sauf simpliste ou linéaire, mais à la longue cela peut être fatiguant vu qu'il est mixé en avant.

Malgré les quelques défauts cités, on ne peut que recommander une écoute attentive cet album et louer la démarche de Lars Eric Mattsson qui recherche constamment l'originalité au lieu de se cantonner dans des terrains balisés et d'étaler sa technique. Le fait n'est pas si fréquent dans le metal, progressif ou non  ! Rien que pour cela, le Finlandais mérite le respect et l'attention.

Marc Moingeon

 






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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