LWE : Lucas, White, Edsey (2006 - cd - parue dans le Koid9 n°60)

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Le claviériste Frank Lucas, qui a fondé ce trio avec le bassiste Steve Edsey et le batteur Chuck White, est un ancien élève de Jordan Rudess, et a étudié les claviers dans différents genres, du classique au jazz. Il semble partager aussi un amour des Dixie Dregs avec son professeur (qui en a fait partie, à un moment). Traduisez  : fusion des genres sur une musique accessible, mélodique, mais diablement difficile à jouer. On pourra voir des similitudes avec l'unique album du Rudess Morgenstein Project, qui lui aussi devait pas mal au groupe de Steve Morse même si, du fait de leur formation sans guitare, LWE et le RMP sonnent de manière différente de celle des Dregs.

En fait, "liberty" qui ouvre cet album sur 8 minutes pourrait être un morceau d'un des deux groupes précités avec des influences classiques, un rien de jazz pour les soli, parfois une teinte folk irlandaise ou écossaise, des mélodies entêtantes aux arrangements orchestraux où le piano (électronique) domine. Ce n'est d'ailleurs pas le seul. La section rythmique fait tout sauf de la figuration, mais White et Edsey sont avant tout là pour accompagner tout en étant inventifs, comme chez les Dregs ou le Steve Morse Band. Quelques parties solistes oui, mais pas de délire de virtuosité gratuite. Lucas ne se laisse d'ailleurs pas aller à des démonstrations interminables non plus (il peut différer en cela de son prof). Les 7 autres compositions instrumentales de l'album (dont la durée tourne souvent entre 6 et 8 minutes) ont tendance à privilégier le côté jazzy, par contre, relativement traditionnel et accessible (parfois un peu trop facile d'ailleurs, comme sur "hasta manana" et on pourra aussi se lasser un peu sur les deux derniers morceaux) avec une nuance souvent orchestrale quand même, et on peut dire que le mélange des genres est de rigueur. Les nombreux changements de rythmes sont amenés de façon rarement brutale, sauf quelquefois des petites ruptures amusantes pour nous sortir un thème joyeux qui contraste avec le reste d'un morceau. On remarque aussi la présence d'Edgar Gabriel au violon électrique ou acoustique sur 3 morceaux (un musicien plutôt jazz qui a aussi travaillé dans le rock, la pop, le blues et la comédie musicale  !). Il sait user de la distorsion et possède un son pas toujours très clair (un peu comme Jerry Goodman, en fait). Au niveau du son, justement  : comme Rudess, Lucas utilise parfois des timbres un peu froids et distordus comme une guitare électrique (mais pas autant que lui sur ses albums solos, où c'est devenu pénible  !). Et comme le piano est très présent, on aurait aimé que ce soit un piano acoustique. C'est d'ailleurs un petit reproche que l'on peut faire à l'album  : certaines textures sonnent de manière plus ou moins artificielle, pas très profonde ni organique. Par exemple, l'échantillon d'orgue Hammond, ce n'est pas ça, un défaut hélas classique à l'heure actuelle. Et je ne parle pas des cornemuses synthétiques sur l'intro de "waiting for bela" (allusion à Bartok  ?). A part ça, et une grosse caisse au son assez mat mixée un peu trop en avant par endroits, "Lucas, white, edsey" est très plaisant pour qui apprécie jazz mélodique et classique, une musique instrumentale accessible, plutôt enjouée, à la complexité réelle mais très digeste. Bel effort, on attend la suite, avec peut-être quelques titres vraiment lents et symphoniques, un peu plus de diversité sur la longueur.

Marc Moingeon






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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