Le Dimanche : Colour Of Shade (2009 - cd - parue dans le Koid9 n°72)

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Sous ce nom très français, se cache donc un groupe néerlandais, première bizarrerie parmi d'autres. Ce projet est emmené par la talentueuse Marjolein Kooijman, qui nous a été dévoilée par sa participation au groupe The Gathering en tant que nouvelle bassiste en 2004. Ici, elle mène son propre projet de main de maître, jouant un peu le rôle de leader, en tenant la guitare, le chant, la double basse et en écrivant même toutes les paroles des morceaux chantés. Qu'en est-il donc de cette "couleur de l'ombre" qui s'affiche sous une pochette digipack trois volets magnifique mais un tantinet étrange?

Avant de parler plus avant de la musique qu'il nous est donné d'écouter sur ce CD, parlons un peu de l'équipe qui entoure Marjolein. Le groupe est donc un quintet composé de son leader, d'un saxophoniste, Aafke de Bruijn, d'un claviériste, Jurgen Krooshoop, d'un bassiste, Michel Manders et d'un batteur Martijn Smits. Quelques invités apportent une touche classique à l'ensemble en la présence de Marijke Damen (alto), Jos van den Dungen (violon), Eric van Hoof (trompette), Vincent Houdijk (vibraphone), Marije de Jong  (violoncelle) et Fernand de Willigen (trombone). Le groupe joue une musique assez atypique. Très influencée par le jazz, le trip hop et le post-rock, la musique du combo étonne et charme par sa fraîcheur, son originalité et sa spontanéité. Cela faisait longtemps que je n'avais pas écouté une telle musique, qui se rapproche plus de groupes connotés post-rock que du progressif. Les musiciens se réclament d'ailleurs de références peu communes à notre milieu, quoique jamais bien loin non plus, comme The Cinematic Orchestra, Radiohead, Jaga Jazzist, Oceansize et Massive Attack.

Effectivement, la musique du quintet est extrêmement cinématique, voire par moments ambiant. Véritable bande son d'un film musical qui nous ferait voyager dans des endroits chaleureux, c'est à une musique fort contrastée que le groupe nous convie. Ainsi, le début quasi progressif du premier morceau "bright sky", des arpèges de guitare magnifiques sur fond de nappes de claviers ambiant et de roulements de batterie jazzy se transforme progressivement lorsque le "chant" arrive : en effet, Marjolein parle au début du morceau, semblant nous conter une bien belle histoire. La voix chaude est envoûtante, d'autant qu'elle se met à vraiment chanter de fort belle manière et que le saxophone qui fait son apparition rajoute à l'ambiance magnifique du morceau. Puis c'est la guitare électrique qui nous délivre un magnifique solo avant le riff du refrain chanté… Ces 5 premières minutes donnent l'ambiance globale de ce disque. L'album compte donc 5 morceaux de 5', 1 de 6' et 2 d'environ 8', pour un total de 48'. "The calm", le titre suivant porte bien son nom, semblant voguer sur une mer d'huile, avec ces chœurs très The Gathering (tiens, tiens !), ce groove insufflé par la section rythmique, ce sax lancinant, comme un longue plainte brumeuse, ces arpèges de guitare délicats, cet orgue étrange, ce chant presque fantomatique et ces cordes sublimes. Encore une fois, c'est l'ambiance très étrange qui rend ce morceau magnifique. "Blood red chevy" débute par un riff de double basse absolument dément (quel son, mes aïeux !) soutenu par un sax lancinant puis la machine s'emballe quelque peu et un mini moog volubile fait son apparition pour un solo génial assorti d'un son fort original. Dès l'arrivée du chant, c'est quasi à un morceau soul qu'il nous est donné d'assister, en spectateur ébahi, avec cet ahurissant chorus d'instruments à vents ! Hop, un petit passage cinématique plus tard (sons de claviers magnifiques qu'on dirait sortis d'un vieux disque d'Ange) et c'est reparti pour un chorus que ne renierait pas Amy Whinehouse ! Il faut l'entendre pour le croire… Quel groove, mes amis ! "Two minutes east of everything else", morceau le plus long du disque, du haut de ses 8'12, se donne amplement le temps de développer son thème. Sur une base toujours très jazz, il nous est donné d'apprécier notamment des magnifiques touches de piano et un crescendo progressif d'anthologie (ah, quand même!). La guitare se fait Frippienne, dissonante, menaçante. Indéniablement un des meilleurs morceau du disque qui s'enchaîne au suivant, "panorama", par des nappes de claviers ambiant lequel s'ouvre sur des notes d'orgue rappelant Portishead. Le groupe semble avoir marqué de son empreinte cet instrumental superbe, tout en ambiance éthérée, avec toujours une montée progressive qui fait se terminer le morceau dans un maelström de guitares saturées, d'orgue céleste, de percussions magiques et de saxophone mélancolique. Les deux morceaux suivants sont les plus courts (moins de 5 minutes). "Reminise", sur une rythmique mid-tempo, laisse un orgue introduire le chant clair et posé de Marjolein. Le saxophone, jamais bien loin, délivre encore et toujours des phrases d'une tristesse infinie. "Xiao mei" est un peu basé sur le même schéma, quoique entièrement instrumental cette fois. Toujours cette ambiance à la fois chaude et mélancolique, cette rythmique mid-tempo, ces notes de saxo à vous tirer des larmes, ces arpèges de guitare qui deviennent menaçant au fil du temps… L'album se clôt sur "le Quartier Latin", autre morceau long du disque (7'44) : c'est le vibraphone qui introduit le titre alors que la section rythmique donne le groove. Le sax est cette fois-ci un poil plus énergique alors que chaque musicien semble jouer à l'unisson. Puis, après un break où toute la machine redémarre sous l'impulsion de la batterie, le groupe entame une montée chromatique éminemment progressive qui ne durera pas moins de 5 minutes. Quel dommage lorsque l'on comprend que c'est vraiment fini ! Indéniablement l'autre point fort de ce disque magnifique en tout point.

Le groupe invite réalisateurs de films, pros de l'animation et vidéos DJ talentueux à coopérer avec eux pour un "museumtour" planifié en 2010 où différents talents cohabiteront : art, film et musique. Le groupe veut que l'expérience scénique soit une surprise audiovisuelle remplie de films, musique, vidéos et DJ. Ses quelques concerts déjà donnés ont vu les cinq compères rejoints par une section de cordes et d'instruments à vent et de superbes projections vidéo de Martijn Bos. Le groupe a été notamment qualifié de "Jaga Jazzist rencontre God Is An Astronaut" et c'est plutôt bien vu ! Une magnifique découverte que je vous laisse découvrir sur leurs sites où plusieurs morceaux sont en écoute complète. A NE PAS MANQUER !

Renaud Oualid

A lire également l'interview de Marjolein Kooijman réalisée par Renaud, parue dans le même numéro de Koid9






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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