Anathema : A Natural Disaster (2003 - cd - parue dans le Koid9 n°48)

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Alors que les miasmes émanant de la production "musicale" prédigérée télévisuelle et radiophonique deviennent chaque jour un peu plus incommodants, le délicat parfum de la dernière œuvre du combo anglais Anathema vient divinement réveiller nos sens.

Comme il est rassurant également de constater que des groupes parviennent à inscrire leur démarche artistique dans la durée. "A natural distaster", qui fait suite à l’excellent "A fine day to exit" 2 ans plus tôt, est en effet la 7ème œuvre en 10 ans des frères Cavanagh (Vincent/chant, James/basse, Daniel/guitare-claviers) assistés de John Douglass aux percussions pour la circonstance.

Anathema a su créer au gré des ans un univers qui lui est propre, avec pour fil directeur une esthétique sonore et des textes certes sombres, mais dont l’élégance des constructions a su séduire un large public (hard, prog, gothique …).

Concernant "A natural disaster", dont il faut saluer au passage la magnifique pochette, je n’irai pas par quatre chemins : il s’agit probablement du meilleur album du groupe à ce jour. Anathema n’a en effet trahi en rien l’esprit du groupe (cette esthétique sonore que j’évoquais plus haut), mais il a mûri.

Pour ne parler que des deux albums précédents, "Judgement" recelait d’excellentes choses, "A fine day to exit" est réellement très bon, mais avec "Disaster" la beauté des compositions et la charge émotionnelle associée me semblent encore nettement progresser.

Le second titre "balance" rappelle ainsi un peu l’esthétique d’ "OK computer" de Radiohead, même si la voix de Vincent est moins plaintive que celle de Tom Yorke. Ne vous y trompez pas pourtant, la "patte" Anathema demeure bel et bien, la voix de Vince devenant un instrument à part entière une fois déformée par un vocoder pour la seconde moitié du morceau.

Magnifique également le titre suivant "closer", tout en douceur, qui nous berce au rythme de la guitare et des cymbales.

En fait, a l’exception de "pulled under at 2000 m/s" et du premier titre "harmonium", "A natural disaster" est un album globalement calme et emprunt d’une sérénité de très bon aloi, sans qu’il soit jamais ennuyeux, loin s’en faut.

Le titre éponyme, emmené par une magnifique voix féminine, est à mon sens le plus remarquable. Sur fond de batterie au rythme lent et d’arpèges de guitare, la voix de la demoiselle nous berce délicieusement six minutes durant, et l’on pense notamment aux morceaux intimistes de The Gathering chantés par Anneke Van Giersbergen. Mais en fait non, son successeur "flying" est peut être à la réflexion encore meilleur. Cette fois c’est Vincent qui reprend le micro, et la sensibilité avec laquelle il s’exprime n’a rien à envier à un Jeff Buckley, sa voix se mêlant magnifiquement à la trame mélodique très inspirée. Il s’agit à nouveau d’un morceau doux, idéalement tempéré, à l’image des meilleurs morceaux de cette galette, c’est à dire de la plupart de ses titres …

Les morceaux sont idéalement enchaînés entre eux, et c’est ainsi que l’intro piano/voix d’ "electricity" nous maintient dans l’état second dans lequel nous avait laissé "flying". C’est magnifiquement fait, la batterie venant bientôt soutenir la cadence, puis s’éclipsant à nouveau pour laisser Vince et Daniel s’exprimer, du grand art …

On se quitte en beauté avec "violence", le plus long morceau de l’album (presque 11’) délicatement introduit au piano classique soutenu par quelques rares notes de guitare électrique, avant qu’une transition rapide n’emmène le groupe vers un passage plus "violent" assez Crimsonien qu’un decrescendo ramène à mi-morceau vers l’esthétique délicate du départ, le piano classique reprenant la main sur la guitare saturée pour nous emmener sur une conclusion tout en douceur sur fond de nappes de synthétiseur.

"A natural distaster" mérite l’attention des mélomanes, qu’ils soient ou non familiers des productions précédentes d’Anathema. Il est d’ailleurs à mon avis l’un des plus abordables du groupe, tant ces talentueux musiciens de Liverpool ont su aller à l’essentiel. J’ai une bonne nouvelle : l’art n’est pas mort !

Serge Llorente






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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