Glass Hammer : Shadowlands (2004 - cd - parue dans le Koid9 n°49)

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Est-il encore bien utile de présenter Glass Hammer qui sort cette année son huitième album ? Les chanceux qui ont déjà été en contact avec leur musique auparavant se sont sans doute rués sur "Shadowlands" dès sa sortie, et ils ont bien fait. Les autres n’ont plus qu’à prendre le train en marche et risquent même d’être tentés de raccrocher les wagons précédents.

J’ai moi-même découvert ces américains en 2000 lors de la sortie de "Chronometree", leur hommage le plus appuyé, sans complexes et plein d’autodérision à une musique chère à leurs oreilles, et aux nôtre pour la plupart, le rock progressif des années 70. Cette petite merveille regorgeait de tous les ingrédients qui ont fait le succès de ce style musical, abordant plus particulièrement la facette ambitieuse, technique et parfois avouons-le quelque peu alambiquée, honorée par des groupes tels que Yes et ELP, pour la virtuosité musicale, et Gentle Giant ainsi que Yes à nouveau, pour les harmonies vocales complexes. Cet album un peu à part dans leur discographie, car entièrement calculé pour rendre hommage à leurs idoles, a permis de démontrer les compétences extraordinaires des deux instigateurs depuis 1992 de ce projet, Steve Babb et Fred Schendel, tant sur le plan de l’interprétation que sur celui de la composition. Ils ont en effet réussi à restituer l’esprit de cette musique, il est vrai en s’aidant de quelques sons bien caractéristiques, sans donner véritablement l’impression d’une copie carbone de l’une ou l’autre de leurs influences.

Leur carrière se poursuit en 2001 par une incartade au pays des Hobbits pour graver sur la demande de leurs fans "The middle-earth album", un enregistrement live aux accents celtico-folkloriques sans autre ambition que de prolonger leur hommage à l’œuvre de Tolkien, déjà initié sur leurs premiers albums (où officiait à l’époque la fabuleuse Michelle Young, devenue depuis célèbre pour son talent propre ; pour vous en convaincre écoutez donc son magnifique album avec Clive Nolan "Marked for madness").

S’ensuit en 2002 la sortie de "Lex rex", une œuvre étourdissante qui se charge clairement de démontrer que Glass Hammer a une personnalité bien affirmée, et qui les assoit définitivement dans le peloton de tête des groupes actuels honorant un rock progressif ambitieux sans pour autant être hermétique.

"Shadowlands" vient cette année nous confirmer que nous n’avons pas rêvé. On retrouve toujours le duo infernal de multi-instrumentistes mégalos et despotes : Fred Schendel au chant et chœurs, aux guitares, à la batterie et aux différents claviers quasi-exclusivement "d’époque", dont bien sûr l’orgue Hammond rugissant, le Moog et le Mellotron, et Steve Babb au chant et chœurs, à la basse et divers claviers, dont encore le Mellotron qui souligne voluptueusement tous les morceaux.

Les parties vocales, toujours particulièrement soignées et élaborées, sont assurées en renfort par plusieurs invités, dont le fidèle Walter Moore qui les accompagne depuis le début mais qui depuis longtemps a abandonné sa guitare sur les albums, Susie Bogdanowicz, déjà présente sur "Lex rex" et Flo Paris. Tout ce joli monde permettant une foule d’assemblages de voix, exploités il va sans dire avec talent et bon goût. L’ennui est que le livret ne précise pas qui participe à quel morceau et quand.

La musique est quant à elle renforcée, et c’est une première pour le groupe qui souhaitait ainsi donner une tonalité plus naturelle à leurs sons de cordes, par un trio violon-alto-violoncelle, donnant à certains morceaux une dimension encore plus symphonique à la manière de Kansas. Pour certains morceaux le même principe a été retenu pour les sons d’orgue : les enregistrements ont eu lieu, par nos deux compères en alternance, dans une église méthodiste disposant d’un instrument monstrueux (pour donner une idée de la chose les musiciens l’estiment à un demi-million de dollars) et les sons qui en sortent ne le sont pas moins.

Forts de toute cette description d’ordre technique, vous vous doutez bien que la musique ici présente n’a pas grand chose à voir avec "Chapi-Chapo". Imaginez un décor de claviers foisonnants (majoritairement tenus par Fred Schendel) et variés, mais toujours avec ces sonorités analogiques chaudes et puissantes, soutenus par la basse volubile de l’infatigable Steve Babb. De-ci de-là viennent se poser ces enchevêtrements de voix si caractéristiques et de fabuleuses parties de guitares jouées par Fred, le tout enrobé par une batterie elle aussi tenue par le même Fred. Ne vous attendez pas à fredonner sous la douche une mélodie après seulement une ou deux écoutes. C’était déjà le cas avec Yes et Gentle Giant : on a d’abord l’impression que les instruments et les voix se superposent de manière vaguement anarchique et sans grande relation entre eux, mais cela est dû à la complexité des signatures rythmiques et à leurs changements incessants. Et soudain comme par magie au bout d’un moment tout s’assemble et on est soi-même surpris de découvrir que tout devient évident. Seuls les meilleurs compositeur et interprètes peuvent parvenir à un tel miracle.

Précisons aussi que leur studio d’enregistrement a encore été modernisé, permettant à Babb et Schendel d’assurer (eux-mêmes encore et toujours !) une production, un enregistrement et un mixage "aux petits oignons", partant du principe qu’à l’heure actuelle la technique est telle que le rock progressif peut enfin s’offrir une qualité sonore à la hauteur de son ambition. Je vous conseille donc une écoute attentive et dans de très bonnes conditions de restitution pour percevoir les infinis détails dont sont émaillés les 5 longs morceaux de cette œuvre d’une grande richesse.

Voilà, j’espère être parvenu à convertir les derniers retardataires du caractère incontournable de Glass Hammer en général et de ce disque en particulier.

Au fait, notez sur vos calepins que cet été devrait paraître un CD et un DVD de leur prestation au NEARfest 2003, avec chœur et Rich Williams de Kansas en invité. Ne les manquez pas car nos compère ne sont pas très portés sur les prestation live, par faute de temps et de disponibilité de chacun, sans oublier la difficulté à reproduire la complexité de leurs arrangements.

Michael Fligny






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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