Gazpacho : Night (2007 - cd - parue dans le Koid9 n°61)

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"Play it loud with the lights off", ou la profession de foi d’un jeune label, Intact (11 ans), qui compte en son écurie Marillion, Chris Maitland (ex-batteur de Porcupine Tree), John Wesley et Gazpacho, donc.

Et maintenant, cherchez l’intrus ! Wesley ayant tourné avec Marillion à de multiples reprises entre 92 et 97, et Gazpacho me rappelant vaguement quelque chose en rapport avec le groupe anglais, c’est l’ami Maitland qui est démasqué ! Mais y-a-t-il vraiment un rapport entre Gazpacho, formation norvégienne, et le combo cher au cœur de tout progster qui a souffert la disette culturelle des années 80 ?

Assurément pas si l’on parle de la période Fish, et oui, à l’évidence, si c’est le style initié par Hoggarth qui sert de référence. La voix de Jan Henrik Ohme tout d’abord possède le même tessiture, la même délicatesse et un phrasé dans la veine de celle de Steve.

Même inspiration Marillionnesque s’agissant de la construction des morceaux et mélodies, souvent axés sur de longs crescendos et basés sur un dialogue piano/guitare, et une batterie qui pour ne pas être complètement en retrait reste généralement discrète sauf à l’occasion de quelques rares envolées comme sur la 4ème piste, "Valerie’s friend".

Le disque s’articule autour de 5 morceaux seulement, notamment du fait de la longueur (aujourd’hui de plus en plus inhabituelle même en nos contrées progressives) du premier, "dream of stone", qui culmine à 17’, tout de même …

La très lente progression de ce titre masque en fait habilement sa durée, et tout aussi intelligemment les moments de tension succèdent aux passages de transition plus calmes, le liant étant opéré avec élégance du début à la fin via la frappe assurée de Robert Risberget Johansen aux fûts. A noter l’intervention de cœurs féminins aux côtés de Jan Henrik, la tonalité générale du morceau (et de l’album), mélancolique, rappelant les œuvres de leurs compatriotes d’Anekdoten, ainsi que celle du violon de Mikael Kromer, cet instrument participant assez naturellement de l’ambiance préc-citée.

Profitons en pour rendre hommage aux reste de la troupe, avec Jon-Arno Vilbo aux guitares, Kristian Olav Torp à la basse et Thomas Andersen aux claviers.

Le professionnalisme et la maîtrise de ces cinq musisiens n’appellent pas de commentaires, la chose est patente dès les premières minutes et l’on sent que l’influence du "grand frère" Marillion a sans doute joué.

En effet, si le premier effort de Gazpacho, "Bravo", remonte à 2000, c’est à la faveur de leur second opus  "Welg" en 2004 que les 5 norvégiens ont en quelque sorte rafflé la mise en se faisant remarquer du groupe anglais qui leur a proposé de jouer les premières parties de l’ensemble de leur tournée européenne, pour un trentaine de dates. Si la dextérité des musiciens de Gazpacho ne doit probablement rien si ce n’est à leur travail, nul doute que cette expérience unique en public leur a donné cette assurance que l’on sent sur l’album, et peut être aussi les a conduits, consciemment ou pas, à reproduire un peu plus encore certains schémas musicaux de leurs protecteurs.

Le concept album "Night" (tous les morceaux sont liés, aucune césure entre chaque titre) n’est pas une ressaucée de l’un des 9 albums de la période Hoggarth, rendons leur ce mérite, mais l’écoute de l’intégralité des titres donne malgré tout la troublante sensation de survoler le répertoire du groupe, depuis "Brave" jusqu’à "Marbles" pour être plus précis. C’est beau, bien fait et agréable, et ce pourrait être un nouvel album de Marillion qui se chercherait une nouvelle identité, ce qui relève indéniablement du compliment. A contrario est-ce vraiment ce que cherche l’inconditionnel type du groupe anglais ? Et concernant les autres, ils penseront avec raison que Gazpacho possède à présent tout le potentiel requis pour s’émanciper, les incursions du violon et passages celtisants constituant déjà en soi une heureuse prise de distance avec le "modèle". En bref, un album qui mérite le détour nonobstant ces quelques réserves.

Serge Llorente

Site du groupe






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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