Woolly Wolstenholme : Black Box Recovered (2004 - cd - parue dans le Koid9 n°49)

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Ce CD a une histoire et elle mérite ici d'être contée, tant elle est significative de ce que peut vivre un musicien de rock progressif, lorsqu'il se trouve pris dans un tourbillon d'évènements incontrôlables et proprement édifiants.

Résumons les épisodes précédents : Woolly Wolstenholme fut, de 1967 à 1979, le claviériste historique de Barclay James Harvest, co-fondateur avec John Lees d'un groupe qui marqua les seventies et ne laissa personne indifférent. Qui était progster pur et dur considérait ces braves gens de BJH comme faisant de la musique de qualité (surtout à travers les premiers albums), qui aimait leur mélange de prog et de chansons bien troussées à la Beatles y trouvait toujours son compte. Toujours est-il que l'âme du groupe, la pierre angulaire de l'édifice, celui qui emmenait la musique vers les terres les plus progressives (même si celles-ci étaient plus axées vers un prog à caractère classisant) était Woolly avec ses claviers et ses mélodies majestueuses. Il sema sur sa route des joyaux comme "ra", "in search of England", "early morning" ou "moonwater". Hélas, au fil des ans, John Lees et Les Holroyd, les deux autres compositeurs du groupe, prirent l'ascendant et imposèrent leurs propres compositions, au point que certains albums ne contenaient aucun titre de Woolly (cf. "Everyone is everybody else"). Lassé de voir plusieurs morceaux refusés, se considérant comme un employé du groupe pointant ses huit heures par jour et plus comme un créateur à part entière, Woolly jette l'éponge en se retrouvant dans la même situation que George Harrison après la séparation d'avec les Beatles ; c'est-à-dire avec un nombre impressionnant de compositions totalement inédites. La différence (de taille) est que si Harrison décrocha la timbale avec "all things must pass" et "my sweet Lord", ce fut l'effet inverse pour Woolly. Comble de malchance, Barclay James Harvest connût à cette période une célébrité incroyable avec des chansons de plus en plus pop et de moins en moins prog, (pour point culminant l'album "Berlin" en 1981 et le concert de la porte de Brandebourg). L'erreur de Woolly fut de garder le même management et la même maison de disques que BJH, car Polydor mit le paquet sur BJH, délaissant totalement la promotion d'un premier album, "Maestoso". La plupart des fans de BJH ne furent même pas au courant de la sortie de ce premier opus et peu de temps après, le musicien se retrouva même viré avec pertes et fracas par la maison de disques. Un second album était en préparation (sa sortie était prévue en 1982) mais après une tournée avec Saga, Woolly, totalement écœuré, quitta purement et simplement le monde de la musique pour s'occuper de son exploitation agricole. "Black box" contient les titres de ce second album, jamais sorti et donc totalement inédit qui nous ménage des surprises de taille. En effet, à travers les dix compositions présentées, preuve est faite que Woolly était bien l'âme du groupe. Le CD culmine avec quatre titres de toute beauté ("deceivers", "the will to fly", "the sunday bells", "open") dans lesquels l'on retrouve la maestria unique des montées de claviers et la magie mélodique qui a toujours été sa marque de fabrique. Les autres titres sont très agréables à écouter, pop inspirée très éloignée des hits fm de son ancien groupe dans les années 80. Qu'en son temps "Black box" ait pu être mis au rancart dénote l'incompétence notoire de certains faiseurs de fric face à la création musicale. Ont été rajoutés à ces inédits quatre démos de "Maestoso" plus trois titres enregistrés live à Vienne en 1982 et un tout nouveau à paraître sur le troisième album solo de Woolly prévu en Avril 2004. "Black box recovered" est donc le témoignage d'un gâchis notoire envers un musicien qui devait occuper la place respectable que méritait son talent dans le monde musical du début des années 80 et qui fût forcé de tout arrêter, en désespoir de cause. La seule note positive dans cette histoire édifiante et navrante est que grâce au label Eclectic Discs, nous avons enfin, bien des années plus tard, la possibilité de remettre un coup de projecteur sur ce second opus d'excellente facture.

Raymond Sérini






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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