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Richard Wileman alias Karda Estra est resté silencieux plus longtemps qu'à l'accoutumée après son album particulièrement sombre, "Voivoide Dracula" sorti au printemps 2005. Peut-être histoire de contrebalancer cet opus lugubre mais pourtant parfois très beau, le voici qui nous sort cette fois-ci le disque peut-être le moins ténébreux de sa carrière, constitué de 8 titres d'une durée se situant souvent entre 5 et 6 minutes pour l'essentiel (à peine 40 minutes au total, ce qui est un peu radin). "The last of the libertine" le voit renouer avec la même équipe de musiciennes : Helen Dearnley (violon), Joe Josey (flûte et saxophone ténor), Ileesha Bailey au superbes vocalises éthérées (peut-être un peu moins présente que par le passé), Caron Hansford (hautbois et cor anglais), avec une nouvelle, Louise Hirst (trompette). Wileman a décidé de donner davantage de place aux cuivres sur ce disque, ce qui est assez nouveau chez lui. Les percussions sont également plus proches du rock, avec de la batterie sur plusieurs titres, au lieu des habituelles percussions orchestrales. Il y a même une sorte de boucle rythmique nettement plus moderne sur le morceau éponyme (5:44), qui prend une tournure "acid jazz" !
Il ajoute aussi parfois un côté plus rock ou même légèrement jazz à sa musique. Sa guitare acoustique grattée et sa guitare électrique distordue qui percent une partie du second titre "into drawing" le rapprochent davantage d'un groupe de rock progressif plus traditionnel. La trompette est fréquente et souvent joué avec la sourdine, ce qui donne une coloration un peu jazz à certaines parties de morceaux. Une certaine coloration jazz "à l'ancienne" se retrouve même dans certaines parties de guitare acoustique. Cependant, les influences classiques (qui se situent plutôt du côté de Debussy, Ravel, Satie) et le côté sombre et dramatique ne sont pas absent pour autant. Parfois, on penserait à des musiques de films mélancoliques et inquiétantes… comme on pouvait parfois en entendre sur de bons vieux policiers à la française… cette sorte de jazz orchestral sombre… Avec la patte de Wileman, qui le rend presque immédiatement reconnaissable. Le hautbois de Hansford et le mellotron, le piano, la clavecin, le vibraphone dominent toujours des pièces plus typiques de Karda Estra, comme le "atom of warmth" (5:25), avec son opposition de thèmes, l'un plutôt tendu et inquiétant et l'autre franchement majestueux, symphonique ou le plus statique et longuet "black sun" basé sur des vagues harmoniques.
Dommage que la fin de l'album ("black sun", "terra nova") soit moins enlevée, plus statique, on attend vainement qu'un thème décolle…
Richard Wileman réussit sur plusieurs morceaux de ce nouvel album une fusion très intéressante entre deux genres souvent très opposés (classique et jazz) avec les sonorités plus typiques du progressif façon "vieux Genesis" (guitare électrique violonisante, mellotron orchestral, etc.). Il est dommage par contre que le musicien n'ait pas développé certaines pièces, car avec ses contrastes un peu inhabituels, ses quelques moments de monotonie et sa durée relativement courte selon les standards actuels, "The last of the libertine" peut laisser une sensation un peu mitigée. On aimerait enfin également, de la part de Cyclops, un livret un peu plus étoffé avec photos et commentaires, par exemple. Pourtant, Karda Estra demeure un projet musical totalement à part qui mérite vraiment d'être connu… Cette musique là est certes sombre (moins sur celui-ci, vous l'avez compris) mais ses ambiances sont uniques. A découvrir sans restriction, si ce n'est pas déjà fait – lorsque vous vous sentez d'humeur aventureuse.
Marc Moingeon
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