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Amon Duul 2 : Almost Live (1977 - cd - parue dans le Koid9 n°54)

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Le Collectionneur se souvenait parfaitement du jour où il avait acheté les albums originaux de ces 3 rééditions. Cela se passait en Allemagne, à Stuttgart, chez un disquaire teuton qui ne parlait pas un mot de français ou d’anglais. Malgré tout, l’acquisition avait été facilitée par la bruyante approbation du vendeur, qui, le pouce en l’air, avait lancé "Ach ! Amon Düül Zwei ! Gut, sehr gut ! Schöne Musik". De retour en Frankreich, le jeune Collectionneur avait jugé très sommairement que la qualité de la musique n’égalait pas la beauté des pochettes.

Il faut dire qu’en cette fin des 70s la meilleure période du groupe allemand était révolue depuis longtemps. A la suite de disques majeurs comme "Phallus dei", "Yeti" ou "Tanz der Lemminge", Amon Düül II était redevenu un groupe de rock comme les autres, bien moins cinglé et démonstratif qu’en 1970 ou 71. Les disques étaient un peu plus rigoureux, les compositions plus concises et les concerts finissaient par ressembler à …des concerts. (Amon Düül II était connu pour ses shows, véritables happenings où tout pouvait arriver, le meilleur comme le n’importe quoi, le tout basé sur l’improvisation, le psychédélisme, les couleurs, les drogues, etc.…).

"Almost live" était le reflet de cette évolution. Malgré une superbe pochette de Stefan Zauner (qui joue aussi des claviers), le "Krautrock" audacieux et avant gardiste d’Amon Düül II atteignait ici ses limites et, comme le qualifiait Peter Leopold (batteur et membre originel du groupe), c’était plus un album de soli que de véritables compositions collectives. Ainsi chaque membre tirait la couverture : Chris Karrer chantait de manière incroyable ce titre apocalyptique "ain’t today tomorrow’s yesterday" qu’il avait lui-même composé, John Weinzierl (guitare) se lançait dans une impro totale sur le long "live in Jericho" (13 minutes) alors que Peter écrasait tout le monde sur un sauvage solo de batterie. On retrouvait cependant la cohérence et l’illumination du groupe avec le célèbre "halleluja", long trip instrumental, très moderne et audacieux, qui ouvrait normalement tous leurs concerts. "Almost live" était un bon album, un peu décevant pour les fans de la première heure, mais qui bénéficia d’un grand succès culturel lorsque l’album fut correctement distribué (à l’époque, en bisbille avec le groupe, Telefunken ne proposa le disque qu’en Allemagne et en Scandinavie). Le Collectionneur était d’ailleurs assez fier de son 33 tours, un des rares exemplaires du premier pressage allemand.

En 1978 parut "Only human", album surtout célèbre pour sa pochette (un chat noir qui allumait le cigare de Chris Karrer), considérée comme une des 100 plus belles de l’histoire du Rock. Le line-up était surprenant avec seulement 4 musiciens (pour un groupe qui vivait en communauté et comptait une douzaine de membres à ses débuts, en 1967) : Karrer, Léopold, Zauner et Klaus Ebert, la plupart étant, il est vrai, multi-instrumentistes. Amon Düül II reçu le renfort du claviériste Peter Paul Kuen (qui cosigne avec Kerrer les deux titres bonus de la réédition SPV) mais "Only human" fut le fruit d’un quatuor rigoureux et déteminé qui osa sortir des improvisations ébouriffantes d’antan pour proposer un progressif singulier, à la fois ethnique, technique et allumé. Le morceau le plus connu, "kismet", symbolisa cette fusion. Huit minutes de folie et de délire, mais parfaitement maîtrisées, compactes et mélodiques, au point qu’il en devint le titre le plus célèbre du "Krautrock" (On notera, au passage, que "kismet" a été samplé par les rappeurs de Cypress Hill).

Il y eu une vraie tentative de Karrer pour intégrer des influences orientales, espagnoles dans l’univers halluciné du groupe, précédant dans cette évolution les géants du space rock,Hawkwind et Ozric Tentacles. Par exemple, le morceau" spaniards and spacemen" expose une alchimie instable et passionnante mais est devenu le chant du cygne d’Amon Düül II qui disparut dans le bourbier gluant du Disco et du Punk.

"Vortex" fut une tentative (la seule dans les 80s) de faire revivre la vieille magie distillée par le premier groupe de rock allemand. Des musiciens des anciennes formations comme la chanteuse Renate Knaup (véritable emblème du groupe), l’organiste Falk Rogner, l’omniprésent Chris Karrer et le fidèle Stephan Zauner reformèrent Amon Düül II en compagnie de Jorg Evers (basse, guitare) et du batteur Daniel Fichelscher. Musicalement, le titre "vortex" est une longue intro au climat angoissant, une sorte de "drum’n’bass" entre Art of Noise et Archive, qui amene très bien "holy west", axé sur le rock plus que sur le prog (d’ailleurs tout l’album sonne rock !), bien dans la ligne Amon Düül II, bien chanté et concis, avec des idées piquées à Birth Control ou Hawkwind. "Die 7 fetten Jahren" était le morceau le plus étonnant du disque, une vraie chanson bizarre, superbement interprétée par Renate (et des chœurs étranges) qui renvoie l’auditeur 10 ans dans le passé. Etonnant avec son riff de mandoline ! Le fan du groupe ne pouvait être trompé par "wings on the wind" qui rappelle par trop "wolf city ou par "gestern ist das heute von morgen" qui est la parfaite traduction allemande de"yesterday is tomorrow’s today" un vieux titre de la période la plus folle, ici beaucoup moins fou mais doté d’un superbe solo de claviers de Stefan Zauner (qui s’en ira ensuite dans un groupe de variétés bavarois : Münchener Freiheit ).


Le Collectionneur rangea les 3 CD à coté des précédentes rééditions de chez Castle Communications. Il songea qu’il était vraiment intéressant que l’on proposât aux amateurs d’aujourd’hui ces disques, certes pas extraordinaires, mais qui pourraient constituer une excellente introduction à une musique non conventionnelle et rebelle, telle qu’il n’en existait plus de nos jours. Il espéra dans un soupir bruyant que la division Revisited Records de SPV, après Klaus Schulze et le "Düül", n’irait pas jusqu’à exhumer des albums encore plus rares, de groupes encore moins connus comme Guru Guru, Faust, Eiliff, Drum Circus, Cornucopia, Bröselmaschine, 9 Days Wonder ou de Zuphall. Si cela arrivait, ses propres 33 tours collectors perdraient beaucoup de leur valeur puisque le monde pourrait avoir accès à ces disques introuvables.Cette perspective déclencha une vague de brûlures à l'omac du Collectionneur qui se dit que, décidément, la vie était cruelle avec les hommes de goût.

Domrev

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