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Steve Hogarth est un artiste trop souvent sous estimé, voir injustement décrié… Et pourtant, en parallèle à son rôle déjà essentiel au sein de Marillion (n’en déplaise à ceux qui croient encore que l’histoire du groupe s’est arrêtée avec le départ de Fish), "H" mène aussi une discrète mais brillante carrière solo via laquelle il fait véritablement éclat de tout son talent de compositeur et surtout de son incroyable (et insoupçonné !) éclectisme musical. En effet, si ce dernier avait déjà démontré en 1997 avec « Ice cream genius » qu’il était bien plus que le simple chanteur, aussi formidable soit-il, de l’une d’une des formations les plus mythiques du courant progressif, il confirme aujourd’hui avec ce double live qu’il fait partie des artistes pop les plus intéressants, novateurs et créatifs du moment, ni plus ni moins ! Ce somptueux double album au packaging classieux et richement illustré (mais uniquement disponible en ligne auprès du label, ce qui est plus que dommage) nous fait écho de deux prestations londoniennes du "H Band", enregistrées les 8 et 9 août 2001 et remixées de main de maître par le producteur Dave Meegan, à qui l’on doit entres autres les fameux "Brave", "Afraid of sunlight" et "Anoraknophobia".
Le contenu de cet opus live (divisé en 2 partie bien distinctes) illustre à merveille toute l’ambivalence de Steve Hogarth, personnage à la fois très intérieur, à fleur de peau, mais aussi extraverti quant il le faut, voir carrément possédé ! En effet, si la set-list de "Live spirit" se veut nostalgique et onirique à souhait, faisant la part belle aux titres les plus atmosphériques du groupe, celle de "Live body" propose un panel de morceaux pop et rock débordant de vitalité et d’énergie, où Hogarth semble laisser libre cours à tous ses débordement fantaisistes. L’ensemble est ainsi composé de titres plus ou moins revisités d’ "Ice cream genius", ainsi que d’une multitude de reprises de groupes et d’artistes dont les noms laissent rêveur, jugez plutôt : Peter Gabriel, Jethro Tull, David Bowie, Pink Floyd, Jeff Buckley etc… Pour mener à bien cette ambitieuse entreprise, Steve Hogarth s’est entouré d’un liste de musiciens non moins prestigieuse, puisque ce groupe aussi génial qu’insolite réunit tout de même les pointures que sont Richard Barbieri aux claviers (Porcupine Tree), Dave Gregory (XTC) et Aziz Ibrahim (Stone Roses) aux guitares, Andy Gangadeen (Massive Attack) à la batterie, Jingles à la basse, Stephanie Sobey-Jones au violoncelle et Dalbir Singh aux tablas (à ne pas confondre avec son homologue Talvin Singh, qui fait un carton dans le monde de la fusion électronique et world music). Dans ce désir de réunir des musiciens de tous horizons, H rejoint plus que jamais dans sa démarche un certain Peter Gabriel, affirmant ici la même soif d’éclectisme et de brassage culturel. En témoignent par exemple les formidables "cage" et "xen and now", respectivement alimentés par les rythmiques indiennes de Dalbir Singh et les guitares aux consonances moyen-orientales d’Aziz Ibrahim, lui même auteur de cet unique titre instrumental. "Live spirit : Live body" propose donc du haut de ses 150 minutes un cocktail subtil de compositions personnelles (mais pas de réelle nouveauté, bien malheureusement) et de reprises parfois transcendées ("dream brother" de Jeff Buckey est en ce sens à tomber par terre). Comme je l’ai mentionné plus haut, les titres issus du "Ice cream genius" apparaissent ici dans des versions souvent retravaillées, voire parfois même totalement remodelées. Ainsi, "cage" bénéficie d’une extension instrumentale au tempo "dub" absolument renversante et jubilatoire, et quant au final de "deep water", celui-ci se voit sérieusement rallongé et enrichi d’une multitude d’effets, renforcés par d’obsédantes séquences de tablas qui vous plongent en un véritable état de transe ! A noter aussi la présence inespérée du très rare "the last thing", titre évoquant fortement le meilleur Porcupine Tree, disponible uniquement sur le single "you dinosaur thing" et sur le pressage américain du fameux "Ice cream genius".
Du côté des reprises, l’ami H nous aura tout aussi bien gâté, puisqu’il nous offre ici entre autres les classiques que sont "I don’t remember" de Peter Gabriel, "the loving" d’XTC, "see emily play" de Pink Floyd (ça nous change un peu des rengaines habituelles dont nous assènent les "cover bands" et autres "tribute-albums" !), "maybe I’m amazed" de Paul Mc Cartney, et pour couronner le tout, une version à vous refiler la chair de poule du "life On Mars ?" de David Bowie. Rien de mieux en effet que la voix et la sensibilité d’Hogarth pour se prêter à ce genre d’exercice, pas aussi évident qu’il n’en a l’air ! Et pour les amateurs du Marillion actuel, ceux-ci pourront se délecter au final d’un très émouvant "estonia", ainsi que d’une version piano/voix absolument bouleversante de "this is the 21st century" (sans oublier le fantastique "nothing to declare", le plus "marillionesque" parmi toutes les autres compositions du chanteur anglais ! Bref, voilà donc un magnifique album-souvenirs à se procurer d’urgence pour tous ceux qui ont eu la chance d’assister au chaleureux et inoubliable concert parisien au Café de la Danse, et pour les autres, l’occasion rêvée de (re)découvrir un artiste immense et profondément humain. "Live spirit / Live body" est sans conteste un disque d’une incroyable générosité, servi par un collectif de musiciens hors pair affichant un véritable plaisir de jouer ensemble et de partager des émotions, doublé d’un album live riche et original comme on n’en fait que trop rarement. Exceptionnel ! ! !
Philippe Vallin
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