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Si un classement de l’œuvre la plus énigmatique du mois devait voir le jour dans les colonnes de notre cher magazine, nul doute qu’ "Anakin tumnus" du non moins obscur Gratto aurait une bonne chance d’occuper le haut du pavé…
Levons donc sans plus attendre le voile sur ce quatuor nord-américain emmené par Gratto (on n’en saura pas plus …), pianiste / organiste / chanteur / compositeur, assisté de Chris Rodler aux guitares, Brett Rodler à la batterie et Gary Madras à la basse.
L’histoire commence en 1996, lorsque Gratto fonde le groupe autour d’un piano à queue installé dans … une église ! Trois ans durant, la formation va tenter de multiples expériences sonores desquelles vont résulter 3 titres sur bandes numériques.
Le groupe se sépare alors brutalement jusqu’à ce que Chris Rodler n’exhume en 2001 les bandes DAT sus-citées, et décide de les remixer pour leur permettre de voir le grand jour.
Nous avons (malheureusement) affaire avec "Anakin tumnus" à un mutant qui hésite entre un long EP (3 titres) et un court LP (36 minutes).
Je dis "malheureusement" car cette galette est de la plus haute qualité qui soit. Tout d’abord, à l’instar de la plupart de ses alter ego américains, la production est irréprochable, mais il est vrai que l’on n’en attendait pas moins après 6 ans de travail pour 36 minutes de musique !
3 titres donc : "passage of time", "call and response" et "shift" (le plus long avec près de 17 minutes).
Globalement, le style de Gratto se rapproche de celui d’Echolyn période "As the world" (un album admirable au passage) : virages rythmiques au frein à main et breaks virevoltants servant des morceaux à la folie parfaitement maîtrisée et tempérée par des passages calmes au piano. La voix de Gratto se fait tantôt douce, tantôt plus autoritaire, rappelant dans ces moments à nouveau celle de Brett Kull d’Echolyn.
"Passage" est le morceau le plus enlevé des trois, mais il n’en n’intègre pas moins de nombreux changements de rythme, qui caractérisent également "call and response" dont la lente et douce introduction nous permet d’apprécier le travail en finesse du groupe.
C’est malgré tout selon moi la magnifique suite "shift" qui emporte le morceau, d’abord via la guitare de Chris et la basse de Brett se donnant élégamment le change sur une ligne percussive "juste comme il faut", mais grâce surtout à ses passages intimistes nous permettant d’apprécier le talent de pianiste classique de Gratto servi par la splendide richesse harmonique de son piano à queue.
Le magnifique travail effectué sur les sections vocales ne passera certainement pas non plus inaperçu auprès des amateurs de musique sophistiquée, nous faisant définitivement regretter que nos musiciens américains n’aient pas mis à profit ces 3 années de composition pour produire 3 ou 4 morceaux supplémentaires…
"Anakin tumnus" est donc une œuvre hautement recommandable, assez technique mais inspirée et jubilatoire. Espérons qu’elle recueille le succès qu’elle mérite, et que cette reconnaissance incite nos quatre virtuoses à rapidement lui donner un grand frère !
Serge Llorente
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