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Il y a bien longtemps que je m’étais désintéressé de Galahad, pour des raisons pas très claires d’ailleurs. Leurs deux premières réalisations, il y a bien longtemps étaient prometteuses à défaut d’être très originales et le groupe avait au moins dans sa manche l’atout d’un bon chanteur à la voix claire et haut perchée en la personne de Stuart Nicholson.
Et pourtant aujourd’hui, avec "Year zero", Galahad défonce les barrières du "néoprogressif anglais" pour nous proposer une oeuvre inclassable, aboutie, étrange et passionnante.
Le groupe a toujours eu du mal à garder un claviériste stable mais il semble que Dean Baker qui joue sur cet album soit bien intégré et à l’origine d’une grande partie du matériel, car c’est de toute évidence lui qui domine l’album.
Il s’agit d’un concept-album basé sur une histoire de science-fiction pas très évidente à saisir et je n’essayerai pas de vous l'expliquer. La description du contenu musical pourrait bien s’avérer aussi ardue d’ailleurs ! Pour un groupe qui sonnait assez "néo-prog", comme certains ne peuvent s’empêcher de le dire, Galahad vient ici de tomber dans une marmite pleine de différents ingrédients musicaux, tous réunis pour donner un album extrêment varié mais cohérent, dépaysant, surprenant. Et la surprise, c’est encore un élément de base du progressif par définition, du moins en théorie !
"Year zero" est tout d’abord majoritairement instrumental, ce qui peut paraître surprenant ! Stuart Nicholson, vaguement crédité aux claviers duettise avec John Wetton sur deux titres ! En 15 morceaux et un peu moins d’une heure pourtant, il nous offrira quelques belles ballades et deux ou trois morceaux plus nerveux à la tonalité épique où la guitare de Roy Keyworth prend enfin le dessus. Mais globalement, l’album ne compte pas plus de 5 "chansons" au sens traditionnel du terme. Plusieurs morceaux contiennent des vocaux mais avec des structures très libres, juste des vocalises, voire des passages parlés, des choeurs et plusieurs sont d’ailleurs assez courts. Tous les titres sont enchaînés et on se prend à écouter "Year zero" comme un seul morceau, un peu comme un album de Pink Floyd dans les années 70.
Malgré son importance primordiale, Dean Baker n’est pas pour autant en train de nous asséner solo sur solo. Au contraire, du mellotron aux échantillons et boucles les plus modernes, en passant par quelques interventions au Moog (ah, oui, quand même…) il nous promène dans un monde bigarré mêlant musique "cosmique" digne du Tangerine Dream des années 70 (on y pense assez souvent), musique "ambient", orchestrations classiques, orgue d’église, et on trouve même une trace de jazz ici et là sur un piano électrique ! Mais disons cependant que l’album sonne très "space rock" quand même !
Outre John Wetton, le groupe accueille comme invités : Sarah Quilter qui assure trois instruments (flûte, saxo et clarinette), le trompettiste Rob Booth, plusieurs vocalistes et une chorale classique. C’est dire si on a un mélange peu commun. Si l’album démarre assez bizarrement avec de multiples bruitages et parties de claviers les quatre morceaux suivants forment une suite de parties chantées et instrumentales assez homogènes et très puissantes mais la partie la plus ambitieuse vient après : le comble est atteint avec le magma inextricable de "democracy", qui s’étale sur près de 10 minutes, avec juste quelques effets vocaux mais surtout un arsenal de claviers, de programmations, séquences et échantillons divers de Baker, complété par quelques percussions de Spencer Luckman (pas plus subtil qu’à ses débuts, hélas !) et quelques riffs de guitare épais de Keyworth (une courte section sonne carrément comme du space metal à la Hawkwind). Hawkwind est d’ailleurs une autre référence à citer mais un morceau comme "a deeper understanding ?" échappe à toute référence avec ses éléments classiques, jazz et space rock…. Certains échantillons m’ont par contre semblé familiers… mais allez savoir…
Après une nouvelle partie chantée énergiquement en duo avec Wetton puis une section sonnant comme de la musique de chambre pour piano et clarinette ("hindsight 1"), une ballade mélancolique ("hindsight 2") , un autre instrumental très classisant "the september suite", l’album s’achève en apothéose avec la chorale et la trompette soutenant tout le groupe sur un final majestueux et grandiloquent ("world watching " et "deceptive vistas").
Les meilleurs atouts de "Year zero", ce sont tout d’abord l’effet de surprise mais aussi bon nombre d’excellentes mélodies et de thèmes récurrents, sans quoi il ne s’agirait que de bruitage. Or ce n’est pas le cas, loin s’en faut et Galahad a réussit un des albums de rock progressif les plus passionnants de ces dernières années. Etonnant, non ?
Marc Moingeon
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