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Que n?ai-je point entendu concernant le tout dernier effort de Frost*, avant même que l?occasion m?eût été donnée d?y jeter une oreille? "tu vas pas aimer", "rien à avoir avec le premier", "décevant", "trop hard" ; j?en passe et des meilleures, mes distingués confrères chroniqueurs se reconnaîtront !
Corollaire, ça ne s?est pas bousculé au portillon au moment de s?y coller, et deux jours plus tard je recevais de notre rédac?chef vénéré la galette tant décriée, tandis que ma satisfaction laissait subitement place à ce curieux sentiment qui caractérise les victoires trop facilement acquises?
Frost*, ou ce groupe sorti de nulle part sous l?impulsion de Jem Godfrey, compositeur, talentueux claviériste et longtemps producteur dans le "showbiz" (beurk?) à qui un jour s?impose l?évidence : pour l?art tu ?uvreras ! Une resucée de la super production "Neal Morse et l?appel du Tout-Puissant" en quelque sorte, mais en version païenne et 100% British?
Grand bien lui fit, car pour un coup d?essai, "Milliontown" sorti en 2006 est un coup de maître. Un disque atypique, assurément progressif mais ne dédaignant aucunement les refrains accrocheurs. Une ?uvre élégante autant qu?entraînante, à mille lieues des poncifs progressifs cultivant l?hommage au passé à coup de kilomètres de riffs stériles.
"Experiments in mass appeal" démarre sur le titre éponyme avec la même élégance qui caractérise son illustre cadet : arpèges de guitare, piano, puis la voix de Jem venant rapidement égrener une ballade dans la veine du premier opus, avant qu?une explosion d?énergie ne vienne dynamiter cette gentille torpeur au bout de 2?30, pour à nouveau basculer dans une douceur extrême à 4?.
Et l?on tient ici le jeu de yoyo qui caractérise cet album et peut légitimement dérouter les fans séduits par "Milliontown", bien plus linéaire, ou "docile". Il n?empêche, le sens de la mélodie demeure et souvent le pied se prend involontairement à battre la mesure.
"welcome to nowhere" est construit sur le même modèle : démarrage en douceur puis coup de poing dans le sternum sous l?impact des riffs agressifs de John Mitchell (Arena, It Bites) et du non moins talentueux Declan Burke (cf. la vidéo avec Jem sur Youtube), cardiaques s?abstenir !
Aux trois premiers titres tout autant métal-prog que "popisants", succède le magnifique "saline" qui aurait pu sortir tout droit de "Milliontown". Empreint d?une infinie douceur du début à la fin, il témoigne, par sa mélodie et ses transitions à tomber de beauté, de l?incroyable talent de Jem et des musiciens qui se sont joints à lui pour notre plus grand bonheur (John Jowitt et Andy Edwards d?IQ complètent la photo de famille).
"Dear dead days" renoue avec le muscle et y ajoute des sonorités électroniques dignes des années 80, curieux mélange finalement pas si désagréable grâce aux c?urs et à une mélodie entraînante. Sympa aussi le huitième titre, "toy", très rythmé, qui là encore nous fait battre du pied, probablement le morceau le plus commercial de l?album, tout aussi sur-vitaminé que la plupart de ses confrères. "Wonderland", toujours dans le registre "douceur/coup de poing", finit par lasser, du fait de la répétition des plages saturées. L?album s?achève sur un morceau certes calme mais qui pour le coup ne dénote pas d?une grande inspiration, dommage.
In fine "Experiments" divisera son auditoire. D?aucuns regretteront que Jem Godfrey n?ait pas consenti à offrir à "Milliontown" un successeur à son image, lorsque d?autres qui ne dédaignent pas les sautes d?adrénaline loueront tout aussi justement le courage d?un groupe qui a su prendre des risques après un premier album à succès (dans les limites de notre microcosme, restons lucides?), et réussi à produire un bon disque.
N?en reste pas moins que si on peut écouter avec plaisir "Milliontown" tous les jours, c?est moins évident avec l?agressif "Experiments".
Serge Llorente
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