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Progfarm, ce festival intimiste (200 places "bien tassées" tout au plus) au fin fond de la Hollande, ayant pour décor une ferme perdue au milieu de champs agricoles balayés par le blizzard local de novembre, c’est eux. La ferme, c’est celle du batteur du groupe, Koen Roozen, qui, chaque année, en l’espace d’un week, tente de réconcilier culture et Culture ! C’est dire si Flamborough Head aime le rock progressif, et quand on aime … on finit par jouer, voire même jouer sa propre musique.
C’est ainsi que le groupe se jette à l’eau en 1998 avec "Unspoken whisper", recueil de leurs premières compositions personnelles ; nullement découragés par cette difficile entreprise, ils remettent le couvert en 2000 avec "Defining the legacy" et confirment leur volonté d’exister dans le paysage prog avec "One for the crow" deux ans plus tard.
Depuis plus rien, et l’on pouvait légitimement se demander si les contraintes professionnelles des uns et des autres (seul le guitariste Eddie Mulder vit de son art) n’allaient pas avoir raison des meilleures volontés.
Que nenni ! Flamborough Head persiste et signe fin 2005 en nous gratifiant d’un nouvel et quatrième opus, "Tales of imperfection", un concept album (le groupe est coutumier de la chose) sur le thème de la dictature de la minceur, de l’apparence et de l’image.
Le line up reste inchangé depuis 1998, avec outre les acteurs précités, Edo Spanninga, leader et compositeur principal du groupe, officiant également aux claviers, accompagné à la flûte et au chant par Margriet Boomsma, son épouse à la ville, sans oublier Marcel Derix à la basse.
A quoi du "bon" Rock Progressif doit-il ressembler en ce début 2006 ? Doit-il perpétuer l’héritage des géants des seventies ou au contraire "progresser" en donnant un coup de pied dans la fourmilière et faisant fi des "gimmiks" qui caractérisent notre art ? A chacun sa vérité, Flamborough Head se réclamant définitivement de la première approche. C'est-à-dire ? De longues compositions (7 morceaux ici), de longues intros au cours desquelles chaque instrumentiste apporte tour à tour l’un des éléments du décor, des soli de guitare évoquant Floyd, des mélodies travaillées, élégantes et agréables, typiquement ce que nous proposent "for starters/maureen" les deux premiers excellents morceaux (le premier servant d’introduction au second) de "Tales". La voix de Margriet s’est affirmée et posée au cours des productions successives du groupe, et elle participe aujourd’hui définitivement à la marque de fabrique du combo. Une voix agréable et juste qui permet, en outre, d’éviter au groupe d’avoir à composer des albums purement instrumentaux, exercice ô combien casse-gueule.
Si "Tales" n’est pas un album instrumental pour les raisons précitées, l’honnêteté force à révéler que les interventions vocales de Margriet n’excèdent guère 20% de la surface de la galette irisée. Comme le toucher guitaristique d’Eddie Mulder est toujours aussi remarquable, et qu’en dépit du rôle majeur d’Edo dans la composition, son piano et ses synthés ne cannibalisent pas les autres pistes, le résultat est globalement très heureux. L’intervention des claviers relève en fait le plus souvent de l’ordre de l’accompagnement, alors que la réelle nouveauté de "Tales of imperfection" est la place accordée aux flûtes de Margriet, avec bonheur précisons-le.
Les morceaux sont rythmés, alternant passages intimistes (surtout) ou plus rock, ma préférence allant aux premiers. Le groupe joue réellement ensemble et "Tales" est un album que l’on aura plaisir à écouter de la première à la dernière minute, puis à découvrir un peu plus à la faveur de chaque nouveau passage. Il manque, à mon sens, un peu de témérité et de folie mélodique, mais comme évoqué plus haut Flamborough Head a pris le parti de défendre les couleurs d’un rock progressif "classique" (Genesis, Floyd …), et ma foi, ils s’en acquittent très bien.
Vous pourrez difficilement être déçus par cet album, indéniablement le meilleur du groupe. En huit ans, nos sympathiques hollandais ont fait du chemin et ont réellement appris aujourd’hui du métier, tant derrière les consoles que sur scène. Alfonso Vidales ne s’y est d’ailleurs pas trompé. L’organisateur du plus grand festival prog au monde les a en effet conviés à l’édition 2006 de Baja Prog en mars prochain.
Si ça ce n’est pas de la reconnaissance…
Serge Llorente
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