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Ronnie James Dio
L'elfe lumineux
On le croyait immortel, capable de mettre au tapis n?importe quel dragon et autre créature monstrueuse? Pourtant, Ronnie James Dio n?aura pas réussi à gagner contre ce cancer qui le rongeait depuis plusieurs mois : à 67 ans, le 16 mai 2010, Dio a rendu les armes après 7 chimiothérapies extrêmement éprouvantes. Les hommages dithyrambiques se sont succédés via internet et la presse généraliste, soulignant la gentillesse du personnage et son apport majeur dans le monde du heavy metal. Et pas seulement pour "l?invention des cornes du diables", signe de ralliement de tous les métalleux à travers le monde, index et auriculaire tendus? (ce geste pour éloigner le malin ou pour jeter un mauvais sort, il le tenait de sa grand-mère, une italienne superstitieuse). Ce qui restera avant tout, c?est sa voix, pure et puissante, mille fois imitée (Jorn Lande, Russell Allen, Jeff Scott Soto?), mais jamais égalée. La pratique de la trompette et du cor à un haut niveau dans sa jeunesse lui aurait beaucoup apporté dans sa technique vocale, notamment dans la maîtrise du souffle et de la respiration. Il avouait n?avoir jamais pris de cours de chant, mais considérait sa voix comme un cuivre qu?il faisait sonner de façons diverses et variées.
Alors qu?il se destine à devenir pharmacologue, puis trompettiste professionnel, Ronald Padavona (c?est son nom de naissance) découvre le rock dans les années 50 et sa vie bascule. Il se met à la basse et intègre une formation lycéenne. Très rapidement, il en devient aussi le chanteur principal. Il s?attribue alors le pseudonyme Ronnie James Dio en référence au mafioso Johnny Dio et enregistre son premier single en 1958 avec le groupe Ronnie & The Red Caps. En 1961, ce dernier se rebaptise Ronnie Dio & The Prophets. En 1963, un album en public ("Dio at Domino?s") est publié. 12 courtes chansons au compteur pour une trentaine de minutes. Si le style est à des années-lumière de ce pourquoi Dio est connu (il s?agit de musique yéyé à mi-chemin entre Richard Antony et Henri Salvador), il faut reconnaître que Ronnie chante déjà extrêmement bien, tout en jouant de la basse et, de temps à autre, de la trompette. Ce disque préhistorique n?a pas été réédité en CD, mais vous pouvez le télécharger ici : http://rs270.rapidshare.com/files/266986353/RJDTheProphets1963byInventor.rar
The Prophets tourne autour de Ronnie et de Nick Pantas, le guitariste avec lequel le chanteur compose. En 1967, le groupe se rebaptise The Electric Elves avec l?arrivée d?un second guitariste, David Feinstein, le propre cousin de Dio. Gary Driscoll tient alors les baguettes et Doug Thaler les claviers. Malheureusement, en 1970 la camionnette du groupe est victime d?un accident de la route? Pantas décède et Thaler est gravement blessé.
The Electric Elves devient The Elves, puis Elf en 1972 lorsque Mickey Lee Soule remplace Doug Thaler aux claviers. Le groupe enregistre alors 27 titres, connus sous le titre de "Live at the bank ? War pigs ?72". Ce magnifique bootleg au son excellent est un must absolu que vous pouvez télécharger ici : http://qualitybootz.blogspot.com/search/label/Elf
Il s?agit essentiellement de reprises survoltées de Led Zeppelin ("black dog", "you shook me"), de Black Sabbath ("war pigs"), Procol Harum ("simple sister"), Jethro Tull ("aqualung", "cross eyed mary"), The Who, Chuck Berry? et de plein de standards de boogie-rock, de blues, etc. Personnellement j?adore ces deux heures de rock'n'roll, truffées de solos rageurs de guitare et de piano bastringue avec un Dio au faîte de son art vocal.
C?est à peu près à ce même moment que Roger Glover et Ian Paice, alors en tournée aux States avec Deep Purple, découvrent Elf sur scène dans un bar. Ils sont sous le charme de ce groupe chaleureux. Ils sympathisent avec Ronald Padavona et lui proposent de produire son album. Ce sera "Elf" qui paraît en 1972? C?est maintenant qu?il convient de parler du physique ingrat de notre héro. De petite taille (1m63), poids-plume, le cheveu crépu et un visage "de bande-dessinée", Ronnie n?est pas ce qu?on peut appeler un sex-symbol, à la différence d?un Ian Gillan ou d?un Robert Plant. Conscient de cet handicap, il décide de jouer de ce physique différent pour incarner le rôle de l?elfe, du lutin inquiétant comme le montre la pochette de ce 1er album où il apparaît grimé et grimaçant. Au dos de la pochette on le voit même dénudé et blafard, gambadant dans la nature. 8 morceaux écrits par le groupe pour 33 minutes de musique composent cet album de boogie-rock jouissif ("love me like a woman") très stonien - voire proche de Status Quo - où le piano honky-tonk de Mickey Lee Soule converse avec la guitare rageuse et "tricotante" de Feinstein ("hoochie coochie lady", "first avenue"). Trois titres sortent du lot : les très nuancés "never more" et "dixie lee junction" qui montent en intensité et où Ronald Padavona montre des capacités vocales proches de celles de Freddie Mercury, ainsi que l?explosif "gambler, gamber" qui clôt un premier album un peu brut de décoffrage, mais fortement prometteur. "Elf" a été réédité en 2008 en import, et vous ne devriez pas avoir trop de mal pour le trouver?
Elf passe la majeure partie de 1973 à tourner en première partie de Deep Purple. Cette même année, Dio recrute un bassiste à part entière (Craig Gruber) afin de se consacrer pleinement au chant. Feinstein quitte le groupe pour fonder The Rods : il est remplacé par Steve Edwards, au jeu bien différent, ce qui a pour effet de changer le son d?Elf.
En 1974, Roger Glover saqué de Deep Purple se lance dans la production, Elf devenant son chouchou. Bien que n?étant plus dans le groupe de Ritchie Blackmore et de Jon Lord, Glover reste employé de Purple Records. C?est sur ce label qu?Elf est signé pour son second album "Carolina county ball". Elf profite de sa tournée britannique avec Deep Purple pour enregistrer l?album dans des studios anglais. 9 titres composés par Dio et Soule pour une musique globalement plus cool et variée que sur le 1er album. Elf s?essaie au jazz new-orleans sur le très sympa "carolina county ball" où piano et guitare s?amusent avec la clarinette et la trompette. Globalement, on retrouve le blues et le boogie-rock, mais la guitare de Steve Edwards, toute en nuances (celle de Feinstein ne l?était pas) confère un joli aspect prog' à l?ensemble, comme sur l?entraînant "rockin? chair rock?n roll blues" de 5?37, ou bien sur les évanescents et mélancoliques "happy" et "blanche". A noter également un côté country-rock typiquement américain, avec ch?urs féminins jusqu?alors absents chez Elf ("L.A 59", "rainbow"). Si vous cherchez cet album, prenez "Ronnie James Dio ? The Elf Albums" qui regroupe "Carolina county ball" et l?album suivant ("Trying to burn the sun") sur un même CD ("Connoisseur").
Cette même année 74, Glover décide d?inviter les deux forces créatives d?Elf, Ronnie James Dio et Mickey Lee Soule sur son projet Butterfly Ball, basé sur un livre pour enfant. Quelle bonne idée car la voix de Dio sur trois morceaux donne toutes ses lettres de noblesse à l?album. En effet, c?est Ronnie qui chante le tube planétaire "love is all" (souvenez-vous du dessin animé avec la grenouille qui chante? Et bien la grenouille, c?était Ronnie James Dio !), l?émouvant "sitting in the dream" (de loin le meilleur titre du disque) et la ballade pompeuse à grand renfort de ch?urs d?enfants "homeward". Mickey quant à lui vocalise sur "no solution". Les deux elfes cosignent également le bluesy et alcoolisé "together again"?
C?est en 1974 toujours que Ritchie Blackmore, déçu par l?orientation funky que prend Deep Purple ("Stormbringer"), approche Ronnie pour ce qui devrait-être un album solo sans lendemain. L?histoire prouvera le contraire?
Début 1975, Elf se retrouve à enregistrer deux albums en même temps : l?excellent "Trying to burn the sun" et "Ritchie Blackmore?s Rainbow" (Blackmore remplaçant Edwards). Le premier est sans conteste l?album le plus riche et réussi d?Elf. Outre le jeu progressif de Steve Edwards, un percussionniste en la personne de Mark Nauseef (futur Ian Gillan Band) a été adjoint, ce qui donne plus de profondeur au son du groupe ("prentice wood"). De plus un orchestre est présent sur les symphoniques "when she smiles" et "wonderworld", deux compositions magnifiques. Le boogie-rock est toujours présent, mais interprété de manière plus mélodique avec toujours ce piano-bar omniprésent ("black swampy water", "liberty road", "shotgun boogie"). L?album s?achève par un "streetwalker" de 7mn dantesque, combinant tous les genres musicaux chers à Elf : blues, boogie et même prog'. Cet excellent disque ne sortira pas en Europe avant 1984, tout ça pour ne pas gêner la parution du très attendu "Ritchie Blackmore?s Rainbow".
Mais cela est une autre histoire dont nous vous parlerons le trimestre prochain? (à suivre)
Cousin Hub
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