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La claviériste surdoué des Flower Kings nous revient en solo, à peine un an après la sortie de "Pinup guru" avec ce "Sonic boulevard" plus éclectique que jamais. Si vous voulez vous dépayser un bon coup et visiter de nombreux paysages musicaux, c'est un album idéal. En 10 morceaux allant de 2 à 10 minutes, c'est près de 65 minutes d'un voyage baroque et bigarré qui vous attendent !
Bodin a démarré ce disque en pensant le réaliser entièrement par lui-même et en le distribuant par Internet. Sur quoi, son collègue Roine Stolt l'a persuadé de l'achever et d'en faire un album normal. Ce qui est maintenant chose faite puisque "Sonic boulevard" bénéficie de la participation active et lumineuse du guitariste sur plusieurs titres ainsi que de celle de la section rythmique des Flower Kings, autrement dit, les excellents Zoltan Czörz (batterie) et Jonas Reingold (basse). On y retrouve aussi des interventions de Hasse Bruniusson (percussion) et Ulf Wallander (saxophones).
Musicalement, "Sonic boulevard" rappelle vaguement les œuvres passées de Bodin et aussi celles de son groupe mais cela s'éloigne assez du tempérament plutôt virtuose de "Pinup guru". Les mélanges incongrus sont toujours là, bien sûr, moins choquants que sur l'album en question d'ailleurs. Les morceaux semblent plus cohérents, moins démonstratifs et très mélodiques.
Le début est pourtant étrange ! En effet, Bodin a voulu ajouter des vocalises à l'album (à priori échantillonnées) et "the prayer" ressemble à une sorte de lamentation aux teintes nord-africaines, sur fond de synthés atmosphériques avec ensuite quelques chœurs plus classiques et l'intervention de percussions.
Comparativement, "the hero of cloud city" qui suit est certainement le morceau le plus proche du répertoire des F.K. Il s'agit d'un morceau de plus de 8 minutes assez magnifique, qui se présente, après une introduction lyrique, sous la forme d'une sorte de ballade aux tonalités bluesy (on pense un peu à Pink Floyd) et où figurent de superbes interventions de Stolt avec un thème aux allures d'hymne avec orgue d'église, et puis enfin un final très calme aux synthés. Tomas Bodin excelle dans ce registre qu'il a déjà abordé dans ses précédents albums et ce morceau, interprété de main de maître par des instrumentistes de première classe est l'un de ses tout meilleurs… Le reste est très varié, mêlant de nombreuses influences : jazz, progressif, classique, musique électronique, musique de films aussi (Tomas gagne aussi sa vie en composant de la musique pour le théâtre et la télé). Quelques références au génial Ennio Morricone transparaissent à plus d'une reprise.
Comme avec "Pinup guru", Bodin a parsemé ces 10 morceaux de quelques vocalises, d'échantillons de voix, de bruitages qui intriguent et paraissent parfois incongrus mais globalement, ce sont des instrumentaux. "Back to the african garden" démarre calmement puis une rythmique enlevée et des mélodies joyeuses et exotiques prennent le dessus avec synthés funky, un chœur nasal aux accents africains et les guitares jazz très seventies de Stolt, avant un autre final plus discret avec juste piano et guitare.
Dans le genre surprenant, vous serez servis : "walkabout" est très typé années 70 avec guitares blues et funk, avec pédale wah wah, orgue Hammond, synthé de type moog tourbillonnant, chœurs, vocalises "scat" et africanisantes (!), ce n'est pas sans rappeler vaguement de très vieux morceaux de Santana. "the horses from zaad" continue le délire en plus dynamique (quelle frappe ce batteur !) et évoque les musiques westerns épiques de Morricone arrangées "façon rock progressif" avec rythme syncopé, mellotron, piano électrique, un poil de chant amérindien et toujours guitare plus pédale wah wah avec encore un beau solo de Stolt ! Ca part dans tous les sens mais le rythme (brisé à l'occasion, évidemment !) est irrésistible et on pense aussi à Jan Hammer dans la deuxième partie… "the happy frog" rappelle encore des musiques de films des années 70, c'est aussi plus jazz aussi avec de très belles interventions de saxophones, un rythme qui balance, des synthés étonnamment modernes par endroits !
A côté des morceaux disons "énergiques", "Sonic boulevard" est équilibré par des pièces plus calmes mais très variées, "picture" est la seule autre pièce courte de l'album (plus de 4 minutes quand même !), un morceau intimiste basé sur le piano avec un mellotron pour l'orchestration et une flûte occasionnelle, aux teintes mélancoliques et classiques qui ne sont pas sans rappeler Satie, Debussy ou certaines musiques de film de Philippe Sarde. Ce type de morceau mélancolique basé sur le piano se retrouve avec le très long "the night will fall", encore un des plus beaux morceaux qu'ait jamais réalisé Bodin, qui termine l'album avec beaucoup de classe, sur une note à la fois jazz et classique, avec une très jolie partie de basse fretless de Jonas Reingold et des vocalises du claviériste, puis un peu de saxo soprano et une orchestration discrète de synthé. Le genre de morceau qu'on a envie de se repasser immédiatement après qu'il est fini. Toujours dans la veine plus douce de Tomas, (une dominante sur cet album) on retiendra aussi "a beautiful mind" qui reprend à l'orgue et à la guitare électrique un thème abordé dans "hero" de façon toujours aussi sensible, comme Tomas sait si bien le faire… rompu par une courte envolée majestueuse centrale. Il y des échos des chorals de Bach, cachés quelque part dans cette musique… Et "the morning will come" renoue avec les vocalises jazzy, le piano cristallin couplé à des synthés étranges, avant que le rythme lent et syncopé ne démarre avec un orgue Hammond flamboyant s'ajoutant au piano pour soutenir la guitare électrique blues et lyrique (vous rappelez–vous "the magic circus of zeb" sur l'album "The flower king" de Roine Stolt ou tout simplement "Dark side of the moon" ?!).
Voilà, décrit plus ou moins en détail le voyage auquel vous pouvez vous attendre, mais il faut écouter cet album, attentivement et pas mal de fois, pour en saisir tous les détails, le meilleur moyen de ne jamais s'ennuyer !
Et le plus beau, c'est que Tomas a commencé à enregistrer un autre album en août où il pense qu'il pourrait même chanter un peu dessus ! Il a été long à démarrer sa carrière solo, mais maintenant qu'il est lancé, on ne peut plus l'arrêter cet homme-là !
Marc Moingeon
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