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Tempano : The Agony And The Ecstasy (2002 - cd - parue dans le Koid9 n°44)

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Voici quelques mois à peine, je ne connaissais pas cette formation vénézuélienne, et je dois bien dire que c'est avant tout ma curiosité liée à son origine géographique peu banale qui me l'a fait découvrir. Bien m'en a pris, puisque, ayant commencé ma découverte avec le précédent opus de Tempano, qui porte le double nom synonyme de "El fin de la infancia" pour les hispanophones, et "Chidhood's end" pour les anglophones (une référence évidente au "Misplaced childhood" de Marillion), qui m'avait déjà bouleversé, j'ai poursuivi l'effort avec "The agony and the ecstasy", récemment paru chez Musea.

Mais l'origine géographique de ce groupe n'est pas sa seule originalité : leur parcours n'est pas banal non plus. Jugez plutôt : formés en février 1977, ils ont sorti leur premier album, "Atabal-Yemal", qui fut d'ailleurs le premier album de "rock symphonique" paru au Venezuela, en 1979. "Atabal-Yemal" leur a valu un franc succès auprès des initiés au rock progressif de leur pays, mais, à la recherche d'un succès plus large, Tempano a très vite été attiré par une carrière plus commerciale, avec une musique très proche de la variété. Suivirent alors les errements des années 1980 pour Tempano, avec une discographie aussi prolixe qu'insipide, parue sur une major, pour la plus grande joie de leurs fans locaux…

Dernière originalité : la composition du groupe. Sept noms, représentant l'équipe de création au grand complet, figurent sur les albums, mais seuls cinq sont musiciens, le "noyau" du groupe étant constitué de quatre éléments : Pedro Castillo (guitare, synthé, vocaux…), Giulio Cesare Della Noce (claviers, ambiances & atmosphères), Miguel Angel Echevarreneta (basse et guitare classique) et Gerardo Ubieda (batterie & percussions, programmation…). German Landaeta vient en support à la console de sonorisation, aux claviers et aux percussions. Quant à Alexis Lope-Bello, il s'occupe des textes, du management et des "ondes positives", alors que Sandro Bello prend en charge la conception graphique et les manipulations numériques!

La renaissance de Tempano est intervenue en 1998, lorsque la formation originale a réédité "Atabal-Yemal" au format CD chez Musea, et a enrichi l'original de 3 titres inédits, enregistrés en 1998. Le groupe s'est ensuite rapidement remis au travail, pour sortir "Chidhood's end" en 2000, dans la même veine. Mais "The agony and the ecstasy" peut réellement être considéré comme l'aboutissement de toute cette démarche de renouvellement de la formation, comme l'album de la maturité en quelque sorte, si tant est qu'on puisse seulement parler de maturité au bout de 25 ans…

Ce n'est évidemment pas un hasard si le thème du CD "The agony and the ecstasy" comme du livret, illustré par des œuvres de Michel-Ange, est la Renaissance italienne. L'allusion à leur propre renaissance au rock "classique" est évidente et se double, de celle au fabuleux film "The agony and the ecstasy" de Carol Reed (1965), avec Rex Harrison et Charlton Heston dans le rôle de Michel-Ange. Les titres des morceaux suivent la même logique : "pieta", "il duomo", "la porta di san spirito", "gigante" (c'est-à-dire "géants", tels cet imposant David qui trône devant le Palazzo Vecchio de Florence)…

Inspirée, toute en finesse, mélodique, délicate, sensible, riche, tels sont les qualificatifs les plus appropriés à la musique de Tempano en général, et à celle de ce dernier album en particulier. Côté inspiration, il faut chercher en direction du jazz/rock, du prog/fusion mâtiné d'atmosphères latino-américaines, avec des accents parfois floydiens, comme dans "timeless time" par exemple, ou ressemblant à After Crying (Peter Pejtsik, le fabuleux violoncelliste et compositeur d'After Crying, apparaît d'ailleurs en "invité spécial" sur "Childhood's end"). On pourrait encore citer de nombreuses autres influences, aussi différentes que Camel, King Crimson, voire même IQ ou Finisterre, sans oublier toute la musique classique néo-romantique, preuve s'il en est que la musique de Tempano est en réalité très typée, originale et spécifique.

L'album comporte 15 compositions s'échelonnant de moins d'une minute pour "gigante" à 10' pour "conspiracion". Pas de très longue suite à l'horizon, donc. Mais les compositions s'enchaînent de manière cohérente et agréable, constituant un tout homogène en soi. On peut néanmoins distinguer les morceaux instrumentaux de ceux chantés.

Les premiers se caractérisent par des breaks complexes, des mélodies magnifiques, des thèmes sophistiqués et récurrents, comme sur "conspiracion", qui clôture l'album, enrichis d'arrangements exemplaires, confinant à la démonstration de virtuosité sans jamais toutefois devenir ni prétentieux ni ennuyeux. N'oublions pas que c'est l'expérience de 25 ans de création musicale qui parle, là, même si celle-ci n'a pas toujours été de ce niveau. Soulignons également l'utilisation intensive du mellotron dans l'élaboration de cette musique complexe (au sens fourmillement et foisonnement de détails du terme).

Quant aux chansons, ce qui frappe avant tout, c'est la diversité des sonorités et des timbres vocaux, qui se renouvellent de morceau en morceau. Les compositions chantées sont généralement un peu plus intimistes, moins démonstratives, que les instrumentaux, bien que toujours aussi mélodiques et parfaitement interprétés (écoutez l'enchaînement "bonfire" – "just in a second" pour vous en persuader). Notons le passage à l'anglais pour les textes de ce CD, ce qui s'intègre à mon sens bien mieux au contexte que l'espagnol, d'autant qu'aucun accent ne vient perturber le chant. Enfin, on remarque la présence de Marcella Mosca sur trois des morceaux chantés, pour des parties vocales en italien, accentuant encore la référence à la Renaissance transalpine.

"The agony and the ecstasy" est une composition qu'on pourrait qualifier de "grande œuvre classique du prog contemporain". Elle fait partie de ces œuvres qu'il faut écouter avec toute l'attention soutenue qu'on est capable de fournir; moyennant cet effort, elle vous réserve des surprises au détour de chacune des phrases musicales qui la composent, pour vous emporter toujours plus loin, vers les rives enchanteresses de ce que nous attendons tous, en définitive, de la "bonne musique" : l'émotion extrême. Un must!

Benoît Herr




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