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Il y a à peine plus d’un an nous avions laissé Cyril Achard, un des plus beaux fleurons de la six-cordes hexagonale, après la sortie de ce qui restera certainement aux dires de celui-ci comme l’unique album de Morbid Feeling. Un groupe très prometteur bourré de qualités qui comprenait entre autres atouts un chanteur de grande qualité (c’est assez rare en France pour être souligné) et réuni pour jouer des compositions au format résolument pop mais construites sur un schéma heavy-rock progressif. Ce qui donna une galette superbement réussie, une petite merveille de sophistication et de mélodie dans laquelle Cyril Achard avait considérablement investi en créativité et, plus largement, de sa personne, mais qui ne trouva pas son public. Certainement en partie faute de ne pas pouvoir tourner, ce qui aboutit injustement à un manque de reconnaissance.
Heureusement, c’est bien connu, celle-ci vient le plus souvent de la part des autres musiciens. C’est le cas du batteur Mike Terrana qui a su apprécier les qualités de notre guitariste provençal, au point de souhaiter travailler avec lui. Une chance pour ce dernier de pouvoir toucher un plus large public. En effet, après de nombreuses collaborations principalement dans le milieu du metal, l’américain a su se faire une petite notoriété. Il faut dire que mine de rien son C.V. finit par être aussi grand que lui (c’est pas bien difficile !) : actuellement bûcheron du groupe teuton de speed metal Rage mais également titulaire du poste chez Artension, il a participé à Metallium et a aussi accompagné Yngwie Malmsteen ainsi que Tony MacAlpine.
C’est d’ailleurs ce dernier, ami d’Achard, qui les mit en contact. Impressionné par les compos et le jeu du français sur son premier album "Confusion", Terrana décide alors de lui demander d’écrire 1 ou 2 morceaux en vue de son futur 2ème album solo orienté jazz-rock (tout comme le premier qui voyait la participation de Steve Lukather). Extrêmement emballé par le résultat, il lui confie alors l’intégralité de la composition de ce nouveau projet qui devient par là même collectif et prend le nom de Taboo Voodoo, une expression tirée d’une chanson de Frank Sinatra, idole de nos 2 protagonistes (et dont l’influence se limite à donner un nom au dit projet).
Il ne restait plus qu’à trouver un bassiste pour compléter la formation : Ivan Rougny, l’ex-Mörglbl Trio, s’avéra le partenaire idéal dans une pareille situation. Enregistré entre l’Allemagne pour la batterie et le sud de la France pour le reste, Cyril Achard s’occupant des programmations dont le rôle s’avère central dans la plupart des morceaux, en constituant la colonne vertébrale. Dix compositions signées Achard, entièrement instrumentales qui évoluent entre jazz-fusion, progressif et shredding, un art dans lequel ce dernier est passé maître. Et il faut souligner le grand professionnalisme doublé d’humilité de Mike Terrana qui a choisi de ne pas se mettre en avant, n’envahissant pas tout l’espace de sa batterie mais préférant privilégier un esprit de groupe, d’autant plus important lorsqu’il s’agit d’un trio. Au contraire il a laissé pleinement s’exprimer la guitare, elle même au service des compositions, jamais excessivement bavarde malgré sa virtuosité mais, comme toujours chez Cyril Achard, extrêmement inventive, volubile, alliant la rigueur de parties très écrites et structurées à un feeling à fleur de peau. Là encore il nous prouve avec l’éclat d’un jeu parvenu à maturité quel guitariste de grande classe il est. Ici son jeu se fait nettement plus jazz qu’à l’accoutumée, voire carrément bluesy pour s’éloigner du néo-classique de ses jeunes années. Mais il confirme aussi ses talents de compositeur-arrangeur hors-pair, grand dénicheur de mélodies et qui sait également tirer le meilleur des séquences MIDI pour enrichir les morceaux. Du jazz-fusion moderne, tel que le pratique son collègue Tony MacAlpine au sein du super-groupe CAB, aux séquences progressives que l’on croirait issues des sessions de Morbid Feeling (entendez par là plus typiquement metal-prog) ; des grooves élastiques hendrixiens aux thèmes mélodiques typiques de Frank Gambale en passant par des plans blues évoquant Stevie Ray ou Scott Henderson, l’auditeur est invité à un festival instrumental purement jubilatoire. Le tout mené tambour battant par une section rythmique au cordeau, Terrana en tête. Celui-ci ne possédant pas la technique du vrai batteur de jazz et paraissant trompeusement limité à un arsenal metal parfois lourdingue (la double grosse-caisse est pourtant ici diablement efficace), s’y entend comme pas deux pour faire groover même les tempos les plus rapides d’un "Somethin’s cookin’ " décidément rempli de surprises.
Sans conteste un des meilleurs albums de ce genre paru ces derniers temps. Hautement recommandé !
Eric Verdin
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