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Steve Wilson a tenu parole. En janvier dernier, alors qu’en présence d’Aviv Geffen, nous l’interrogions sur les missions respectives de ses deux formations majeures, il confessait "Blackfield, c’est le vecteur d’une musique plus directe, plus pop ; les digressions plus expérimentales, sans les limites habituelles de construction ou de durée d’un morceau, je les réserve à Porcupine Tree". De fait, avec un titre de près dix huit minutes et trois autres avoisinant les huit minutes sur un total de six, on ne peut pas dire que Wilson a composé en jetant des œillades à sa montre poignet.
Mais les exemples sont légion de formations apparentées prog (dont Wilson ne se réclame pas d’ailleurs, même s’il est revenu à de meilleurs sentiments en la matière et accepte à présent une filiation lorsque prog rime avec inventivité) qui continuent de produire des morceaux interminables au motif que telle était la marque de fabrique des sommités du genre voici trente ans. Certes, mais pour étaler de la confiture, encore faut-il en avoir … et il se trouve que Wilson est tombé dans la bassine en cuivre lorsqu’il était petit !
Il n’en demeure pas moins vrai qu’à l’issue de la première écoute "Fear" m’a semblé presque banal. J’entends par là que l’on y retrouve indéniablement la marque de fabrique de la maison Wilson, avec ce son inimitable arraché à sa Paul Reed Smith, ainsi que les atmosphères sombres et les arrangements comme à nul autre pareils. Avec qui plus est deux dernières œuvres majeures, "Deadwing" en 2005 et surtout "In absentia" en 2002, la marche à gravir pour ne pas se répéter tout en conservant cette identité forte était particulièrement haute.
Pari quasiment tenu dira-t-on. C’est après deux ou trois écoutes que l’on mesure la qualité du travail mélodique entrepris, particulièrement sur le plus long titre de 18’, "anesthetize", que l’on est surpris de se voir s’achever si tôt tant il est mené avec maestria. La douceur initiale du propos est rapidement contrebalancée par des riffs tantôt rageurs, ou des arpèges haut perchées, cette montée progressive de la tension nous amenant vers 5’ à la deuxième partie du morceau qui développe la mélodie principale, très prenante et idéalement "rentre dedans", pour s’éteindre brutalement vers 12’, laissant place à une plage beaucoup plus calme qui au gré d’un lent crescendo va développer la troisième mélodie de ce morceau à tiroirs, mélodie tout aussi élégante que les deux précédentes. Trois morceaux en un, mais mariés avec un art consommé, voilà qui explique la raison pour laquelle ces 18’ semblent finalement si courtes. S’ensuit "sentimental", sublime de douceur, et à la mélodie renversante, dans la même veine que le second titre "my ashes", mes trois préférés pour leur élégance naturelle, leur beauté diaphane, et la façon qu’ils ont de bercer l’auditeur et de jouer sur la corde de ses émotions les plus intimes.
Les trois derniers morceaux développent une rythmique un peu plus syncopée où sont un peu plus bruitistes par instants, voire orientalisants comme dans "sleep together", le morceau de conclusion, sans pour autant être dénués d’intérêt, loin s’en faut. Mais définitivement, c’est bien la première moitié de l’album qui témoigne de façon la plus flagrante de la
sensibilité et du professionnalisme de Steven Wilson, qui commet là une œuvre à posséder dans l’absolu, que l’on soit ou pas déjà amateur des opus précédents, même si à mon sens, des œuvres comme "In absentia" ou "Stupid dream " restent à ce jour les points d’orgue de l’arbre porc-épic.
Serge Llorente
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