Anekdoten : Gravity (2003 - cd - parue dans le Koid9 n°47)

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Quatre ans après son prédécesseur, voici enfin le successeur de "From within". Il répond au doux nom de "Gravity", et porte la référence n° 004 chez Virta, une référence qui fleure bon le propre label du groupe. Enregistré aux Studios Atlantis et dans le propre studio d’Anekdoten, "Gravity" a été mixé par Simon Nordberg et Janne Hansson. Il bénéficie globalement d’une production et d’arrangements sensiblement meilleurs que "From within", assurés par le groupe lui-même, qui a pris le temps de s’en occuper, de même que la plupart des prises de son. La pochette a été conçue par Anna Sofi Dahlberg (claviers) elle-même, et on doit l’ensemble des paroles à Jan Erik Liljeström (basse). Un album familial, donc, à déguster le soir, au coin du feu. Trois singularités méritent d’être signalées : pour l’occasion Niklas Berg se fait rebaptiser Nicklas Barker (ne cherchez pas, c’est scandinave, paraît-il), Anna Sofi Dahlberg a définitivement abandonné son violoncelle pour le mellotron (dommage, ça donnait au groupe sa touche d’originalité) et trois des quatre musiciens sont crédités au mellotron : seul Jan Erik Liljeström reste mono-instrumentiste.

Avec "monolith", le morceau introductif, la patte Anekdoten est reconnaissable dès les premières mesures, avec cette touche de mélancolie et de tristesse si caractéristique, et surtout ce mellotron omniprésent, qui avec la rythmique entêtante et lancinante construisent les atmosphères musicales spécifiques de la formation. Le morceau donne le ton d’emblée, en s’inscrivant dans la droite ligne de "From within". "Ricochet", la plage suivante, se démarque cependant du précédent, et explore de nouveaux horizons musicaux, avec des dialogues entre la guitare de Niklas Berg, aux sonorités si caractéristiques, la réverb réglée à fond les manivelles, et les claviers d’Anna Sofi, toujours aussi présents… finalement, on ne regrette pas forcément l’absence de violoncelle.

Comment, avec Anekdoten, éviter la comparaison avec le grand King Crimson (saint Robert bénissez-nous) ? D’autant qu’au début de leur carrière ils jouaient des covers du Roi Pourpre… Mais c’était il y a 13 ans… et de quel King Crimson s’agirait-il, avec "Gravity" ? Sûrement pas de celui d’aujourd'hui… de celui des débuts, alors ? Ou de la période Wetton/Bruford ? Ou encore des premiers albums de l’époque Belew ? Non, en fait, on ne sait pas, et je suis de ceux qui pensent que si King Crimson est en effet une influence indéniable du quatuor suédois, ils ont affiné et fait évoluer leur musique en 13 ans d’existence et quatre albums, pour développer leur identité propre. "Gravity" en est la preuve, et représente une nouvelle étape dans ce processus.

Suit une plage où guitare acoustique et mellotron se renvoient la balle : "the war is over". C’est là qu’une autre des caractéristiques de la musique d’Anekdoten se fait jour : le caractère hésitant et faible des voix. Mais si d’aucuns peuvent considérer cela comme un défaut, je trouve pour ma part que Niklas Berg et Jan Erik Liljeström le transforment plutôt bien en atout pour leur musique. Il en va de même sur le très aérien morceau suivant, "sw4", sur lequel Anna Sofi Dahlberg apporte sa contribution au chant.

"Gravity", chanson-titre de l’album, est un véritable morceau de bravoure, réunissant toutes les caractéristiques citées précédemment, depuis l’intro à la guitare jusqu’au rythme lancinant, en passant par le chant incertain et bien sûr les nappes de claviers et de mellotron venant envelopper le tout. S’ensuit une nouvelle plage acoustique, "the games we play", dans laquelle des sons de mellotron pour le moins originaux, réalisés avec des verres à vin, sont utilisés. L’album se conclut avec « Seljak », une plage ayant donné lieu à l’utilisation d’instruments inhabituels, comme le vibraphone ou l’orgue Farfisa.

Si "From within" pouvait être considéré comme l’album de la maturité, "Gravity" est plus abouti encore, mieux produit, plus équilibré, moins dissonant, tout en finesse, en subtilités, en atmosphères et en rythmes lancinants assénés par le métronome appelé Peter Nordins… bref, plus agréable et plus typiquement Anekdoten. Alors de grâce, arrêtons de dire qu’il s’agit d’un clone de Crimson !

Benoît Herr






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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