Jolly : Forty-Six Minutes Twelve Seconds Of Music (2009 - cd - parue dans le Koid9 n°72)

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Voici un groupe plutôt inattendu, avec un album au titre aussi original que la musique, album qui dure si vous ne l'aviez pas deviné, 46 minutes et 12 secondes  ! Tout du moins en comptant un morceau caché et divers bruitages pas vraiment indispensables. Un album où le quatuor explique que des fréquences censées stimuler l'activité cérébrale et la relaxation ont été incluses. Bizarre, bizarre?

Jolly est un quatuor américain dont les influences avouées vont du post-rock ambient au death-metal de Messhugah  ! Cette dernière influence ne se manifeste pas trop ici, même si "46:12" comporte souvent des guitares lourdes, mais pas de chant extrême fort heureusement, mis à part quelques rares vocaux dans le fond sonore. Sorte de "post-rock progressif alternatif", mâtinée de metal, la musique de Jolly est à la fois sombre, lourde et belle. Sans être véritablement typés métal (sauf sur un ou deux morceaux plus agressifs comme "carousel of whale"), ces morceaux dont la durée tourne souvent autour des 5-6 minutes ne présentent pas de complexité excessive, malgré pas mal de changements de rythmes mais surtout des arrangements contrastés, entre riffs plombés et arpèges cristallins, le tout agrémenté de claviers vaporeux, de timbres orchestraux profonds et de piano plus ou moins réverbéré, avec une section rythmique assez subtile et contrastée elle aussi (dommage que le batteur Louis Abramson sacrifie au son de caisse claire un peu creux à la mode de temps en temps).

Les mélodies sont accrocheuses, envoûtantes même. Le chanteur et guitariste Anadale possède une voix medium capable d'explorer les graves et plutôt agréable, un timbre légèrement voilé mis en valeur par une réverb' généreuse. Son style sombre sans être geignard est finalement attachant. Il sait en outre produire quelques beaux solos lyriques ou plus agressifs. Le claviériste Joe Reilly affectionne les pianos réverbérés, et des timbres orchestraux très profonds, des nappes éthérées aux sons venus d'ailleurs, superbes. C'est l'un des grands atouts et l'originalité du groupe, d'ailleurs. En fait le son d'ensemble est souvent très spatial, comme enregistré dans une église engloutie sous les flots. Comme Porcupine Tree (probablement une de leurs influences) mais avec des différences notables, Jolly alterne passages planants et riffs lourds, effets de voix déphasée, synthés distordus et bruitages étranges (les craquements de vinyle rajoutés ici et là entre les morceaux par exemple). Là aussi, de lointaines influences de Pink Floyd semblent émerger mais avec la lourdeur de groupes actuels en contrepoint. À une époque encore récente, Paradise Lost avait exploré des chemins pas si éloignés mais avec moins de subtilités.

Les titres s'enchaînent tous de manière naturelle et on arrive vite au dernier morceau, "inside the womb", une nouvelle version acoustique du premier titre "escape from DS-3", presque méconnaissable, avec simplement un piano cristallin au son aquatique, une guitare acoustique plus quelques synthés et bruitages divers (vent, mouettes), et surgit un bref instrumental aux claviers dans un style toujours calme. Et après ces 46 minutes et 12 secondes de musique, on a simplement envie de remettre le CD au début, histoire de reprendre un voyage baroque, étrange et beau.

Il ne faut certes pas écouter ce premier album de Jolly pour se remonter le moral, mais le talent mélodique indéniable du quatuor et leur sens du contraste, des arrangements peaufinés même si parfois bien lourds, force l'admiration. Une découverte à suivre de près  !

Marc Moingeon






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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