Jadis : Fanatic (2003 - cd - parue dans le Koid9 n°46)

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Décidément, le label Inside Out récupère de plus en plus de groupes dans son catalogue. Vu son dynamisme, du moins en apparence, on ne peut que s'en réjouir pour Jadis, qu'on a un peu oublié après son magnifique premier album "More than meets the eye" en 1992. Il faut dire que le groupe, mené par le guitariste/chanteur Gary Chandler, y avait développé un style basé en grande partie sur de très beaux solos de guitares mélodiques, laissant au chant la portion congrue, alors que dans les album suivants, peut-être surtout après "Across the water", Chandler développera davantage les parties vocales en délaissant quelque peu les solos aériens pour des riffs souvent plus épais, alourdissant aussi le son général, ce qui n'est pas du goût de tous les amateurs de progressif. Par contre, Gary n'a cessé de développer ses capacités au cours des années, au point maintenant d'être devenu un vocaliste attachant. En 2000, "Understand" contenait d'ailleurs d'excellents morceaux, bien plus accrocheurs que sur le complexe mais décevant "Somersault". Le retour des deux copains d'IQ, Martin Orford aux claviers et John Jowitt à la basse, était aussi une bonne nouvelle. Martin est en particulier un arrangeur talentueux en plus d'être un claviériste très compétent.

Le défaut d' "Understand" résidait surtout dans le manque de parties instrumentales. C'est chose réparée avec "Fanatic", sans aucun doute le meilleur album de Jadis depuis "Across the water". Et encore ! Certains le trouveront sans doute meilleur ! Chandler qui, il faut l'avouer, est plus ou moins le seul maître à bord, nous a pondu d'excellentes mélodies variées et a retrouvé un certain goût pour les parties instrumentales assez lyriques.

Bien sûr, l'album est majoritairement chanté avec un seul instrumental, le splendide morceau qui donne son titre à ce disque de plus de 53 minutes, doté d'un très beau livret et d'un morceau bonus sympathique dans sa version limitée digipack. La guitare règne toujours en maître, c'est assez net sur les 6mn30 du morceau d'ouverture "the great outside" avec ses bruitages et sa mélodie acoustique bluesy sur fond de bruitages arabisants en intro, qui évolue ensuite vers un riff très accrocheur sur lequel Chandler va broder à plusieurs reprises, un morceau dont le refrain est également imparable. Les claviers orchestraux d'Orford illuminent quand même le titre suivant, d'une durée similaire, l'excellent "into temptation", avec sa pulsation rythmique entraînante et de nouveau un refrain/break facilement mémorisable et, encore une fois une belle intervention de guitare. "each and everyday" est une belle ballade qui balance avec guitares acoustiques et électriques mélangées, des "na na na" à fredonner en chœur et un chorus de guitare splendide. " I never noticed" est plus complexe rythmiquement, on pense un petit peu à Rush vers 1985 et le morceau se fond naturellement dans l'instrumental "fanatic", un titre sans percussion qui rappelle The Lens, voire le Pink Floyd de "Wish youwere here", avec sa séquence de synthé, sa mélodie planante et enfin un solo de guitare magnifique. Gary possède réellement une personnalité propre et ses influences, qu'elles viennent de Steve Hackett, David Gilmour ou Steve Lukather sont parfaitement transcendées pour donner SON style, immédiatement reconnaissable, lyrique, incisif et précis à la fois.

Le groupe autour de lui est d'ailleurs à la hauteur avec un Steve Christey toujours en progrès, développant des motifs rythmiques de plus en plus complexes. Quant à John Jowitt, c'est un plaisir de l'entendre très distinctement, toujours aussi souple et volubile, à la fois puissant et mélodique. Martin Orford est plus présent que ces derniers temps (au niveau des chœurs aussi) mais pas encore assez à mon goût, hélas… Dommage. Chandler gagnerait à le laisser orchestrer davantage les arrangements, voire à faire quelques solos avec lui. Un peu de flûte sur certains passages calmes serait aussi bien agréable.

Le reste de l'album se résume à plusieurs morceaux un peu moins progressifs dans l'ensemble, mais on retient facilement les titres aux tempos moyens et plutôt calmes "yourself alone" avec une guitare lyrique sur piano et synthés rafraîchissants, "take these words", un autre tempo moyen sympathique avec encore un joli motif de guitare et de beaux claviers. Le final "who can we be sure of" et le morceau bonus "the flame is burning out" sont plus rock et plutôt simples, avec encore une petite nuance à la Rush, un peu décevants quand même.

Par contre, la magnifique ballade "what kind of reason" est certainement un des meilleurs morceaux de Jadis ! Un long titre qui part avec une guitare acoustique délicate et le piano, sur lequel se pose un chant tout en douceur, avant de prendre son essor et d'éclater dans un refrain émouvant, laissant apparaître un motif de piano entêtant comme Orford en a le secret, puis un premier solo de guitare mélancolique au son clair et vers la fin, un second solo absolument grandiose, celui-là, digne du meilleur David Gilmour ! Plus de 8 minutes de pur bonheur, on en redemande ! Gary Chandler est capable du meilleur et ses interprétations magnifiquement spontanées en concert, comportant souvent davantage de développements prouvent à quel point ce musicien est capable d'exploser ! Reste à reproduire cela en studio, où on sait bien que ce n'est pas du tout évident. Néanmoins, "Fanatic" est un très bon album, inspiré, accessible, relativement varié, qui mérite vraiment une large reconnaissance ! Bien joué !

Marc Moingeon






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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