Uli Jon Roth : Metamorphosis (2003 - cd - parue dans le Koid9 n°48)

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Musicien aussi exceptionnel que peu prolixe, Uli Jon Roth réussit enfin à nous délivrer l'un de ses vieux projets : "Metamorphosis (of Vivaldi's Four Seasons)" est une adaptation assez incroyable du fameux quadruple concerto du compositeur vénitien pour la "sky guitar" à sept cordes et un véritable orchestre !

Le problème des "Quatre saisons" est qu'étant extrêmement populaire, cette œuvre a subi un nombre incroyable d'interprétations quelcon-ques, voire passablement exécrables, assez pour vous dégoûter de Vivaldi à tout jamais… Et pourtant, c'est vraiment un chef-d'œuvre accessible, tout dépend de son interprétation, comme souvent en classique. Evidemment, comme il le dit lui-même, la version de Roth est personnelle. Désirant au départ jouer la partition du violon solo en la respectant note pour note, il a introduit quelques changements. Dans l'ensemble, il s'agit pourtant d'une version relativement fidèle, avec bien sûr tout ce qu'il y a de différent entre un violon et une guitare électrique, fût-elle à 7 cordes et dotée de frettes supplémentaires afin d'atteindre des suraigus inaccessibles aux autres instruments. Seul "l'automne" a été sensiblement altéré, avec quelques fioritures rajoutées, une petite digression rythmique et l'adagio a été considérablement raccourci. Roth a rajouté des percussions (de type classique, cloches, batterie) sur plusieurs mouvements. Don Airey est au clavecin mais il y a aussi une guitare classique sur laquelle Uli joue certaines parties initialement dévolues à cet instrument. L'important surtout, c'est que le guitariste a su mettre à la fois beaucoup de puissance et de finesse dans son jeu d'une clarté et d'une fluidité incroyables.

La partition originale a été parfois éditée avec quelques vers illustrant chaque mouvement. Roth s'est emparé de l'idée et a écrit plusieurs poèmes dont il narre de très courts extraits entre certaines parties et il a rajouté des bruitages naturels pour illustrer ceux-ci (vent, pluie, rivière, etc.).

Certains crieront au scandale et cela dépend évidemment des goûts… Cependant il me semble parfois qu'une grande partie de cette œuvre a été conçue pour la guitare électrique !

Sérieusement, le célébrissime "orage" (allegro final de l'été) prend vraiment toute sa dimension dans "Metamorphosis" .

Au fait, l'album ne s'arrête pas là, puisqu'il compte 24 pièces enchaînées, pour près d'une heure au total. A part une introduction originale, l'œuvre classique est complétée par d'autres sections écrites par Roth. Le dernier mouvement de "l'hiver" introduit directement la partie intitulée "metamorphosis" , une suite en 11 mouvements dont le dernier, pour piano et orchestre, donne une conclusion émouvante à cette création monumentale. La suite rajoutée est partiellement inspirée par Vivaldi, contrastée, avec quelques réminiscences des quatre concertos et un thème de Chopin, un court passage presque rock et des parties symphoniques dont l'inspiration plus moderne est toutefois d'essence essentiellement classique. L'enregistrement est de très bonne qualité même si, parfois, la guitare est mixée un peu trop en avant.

Avec ce vibrato naturel d'une intensité rare et des tirés subtils et déchirants, Roth a ajouté une énorme dimension passionnelle à cette œuvre, un romantisme intentionnellement moderne que les "baroqueux" -tellement à la mode ces dernières années- réprouveraient sûrement avec horreur. Cependant, en ce qui me concerne, c'est ce type d'arrangement qui convient le mieux au travail de Vivaldi, lequel était plus ou moins tributaire des limites admises dans le domaine orchestral à son époque et dont on ne saura, de toute façon, jamais vraiment quelle était la vision exacte pour cette œuvre.

Je conseille vraiment à tous d'écouter "Metamorphosis" (et les "Quatre saisons" aussi, si ce n'est pas encore fait !). Loin d'être une démonstration technique, c'est même tout le contraire, une double fusion longuement mûrie, entre classique et rock, entre la passion évidente et la virtuosité fantastique d'un musicien mésestimé, qui mérite pourtant une reconnaissance universelle.

Marc Moingeon






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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