Rare : D'or Et De Lumière (2005 - cd - parue dans le Koid9 n°56)

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Exercice assez périlleux que de chroniquer l’album d’un ami. Si j’encense le dit album, je perds ma crédibilité au sein de la rédaction du Koid’9, si j’en dis du mal, sûr que Jo Drogo ne va plus me causer pendant au moins 10 ans (sont rancuniers, les transalpins !).

Mais mon dilemme s’est évaporé dés les premières mesures de "bleu Renoir" avec son piano qui fleure bon Keith Emerson, puis avec son orgue "vintage" qui vient juste après. Ensuite, la rythmique apparaît et dés le premier break, Jo laisse tomber ses influences anglaises (encore que Genesis ne me semble pas bien loin) pour développer des idées musicales bien à lui : chant en français, mélodies accrocheuses, diversités des sons et des instruments, chorus privilégiant l’émotion.

Alors, je me suis dit "Ça le fait !" et ça le fait même bien, surtout grâce à un son nickel, une clarté omniprésente et une très grande richesse tonale. Un régal quand on augmente le volume !

Encore plus de plaisir pour moi avec "une basse continue" et sa pulsation Zeuhl, qui possède vraiment un super groove et un riff d’acier. Peut-être un peu trop de paroles, pas assez de démesure car, à mon avis, ce titre mérite un solo monstrueux de basse et une fin apocalyptique. J’lui avais dit à Jo mais il est plus sage que moi.

Sur "Rimbaud", notre rital de Grenoble (non, d’Eybens !) se lâche et ose une pièce de 20 minutes. Et ma foi, le résultat est épatant, prouvant une intelligence de composition, un fourmillement d’idées, d’orchestrations, ainsi qu’une réelle envie d’exposer sa vision complète et décalée du poète. Sur ce morceau, Jo semble avoir voulu se donner tout le temps nécessaire pour tisser des trames musicales, puis pour les étirer, les triturer, les rendant parfois planantes (Floyd, Camel), parfois tranchantes (moi, j’ai pensé au dernier Porcupine Tree), en tous cas jamais pénibles, chiantes ou prétextes à d’interminables soli de guitare ou de claviers. En somme, plein de petites chansons dans une grande !

Le cours instrumental "N.Y. 11…" semble à la fois lugubre et bigarré, avec un rendu absolument génial en termes de couleurs sonores. C’est encore meilleur en écoute à niveau réel.

"avec la mort devant…" est certainement le titre le plus abouti de ce disque. Envoûtant par ses noires paroles, ce morceau est protéiforme. Il débute par des claviers tourbillonnants autour d’une batterie syncopée, se mue en une rythmique "Crimsonnienne" (on peut penser aussi à Richard Pinhas), hachée, presque hard rock, qui s’éteint dans des chœurs, se transforme en arpéges qui résonnent longuement avant la partie chantée. Belle conclusion avec un solo de gratte dont la wah-wah fait penser à Zappa mais dont la sonorité sent bon le métal. Un titre compulsif qui synthétise bien l’univers musical de mister Drogo.

Tiens, "une basse continue, reprise" ! Je préfère nettement cette version abrupte, plus martiale, avec sa batterie synthétique en totale opposition avec le rythme organique. Joli son de guitare, chaud et sensuel, qui devient solo (trop court !), déchirant bien la ligne mélodique.

L’album se termine avec deux reprises des Good Rats "taking it to Detroit" et "dear sir , issues du disque "From rats to riches". Bon, je dirais franchement qu’au début, je n’ai pas aimé du tout ces "covers" tant l’orchestration et les vocals diffèrent de l’original (surtout que Peppi Marchello chante d’une voix rugueuse et aiguë, très rock en fait). Et puis, après quelques écoutes, ça passe pas mal même si ça n’a rien à voir avec l’esprit progressif et aventureux du reste de l’album. Voyons ces deux morceaux comme un petit plaisir personnel ainsi qu’un hommage à ce groupe méconnu et puis c’est tout.

Un très bon cru ce premier Rare ! Réalisé avec minutie, avec un réel souci de perfection, d’une manière artisanale (moi qui connais où et comment Jo compose et s’enregistre, je vous assure qu’il y a de quoi parler de miracle. Petit miracle, certes, mais miracle quand même !) et d’un intérêt final supérieur à pas mal de productions plus prétentieuses. Personnellement, je préfère nettement écouter ce genre d’album, naïf, peaufiné, représentant une somme fabuleuse de travail, que pas mal de trucs pompeux et mal faits dont le Koid’9 parle (hélas !) trop souvent.


Domrev

L’album est disponible au prix de 10 euros, directement auprès de Jo Drogo, 5 rue Rimbaud 38320 Eybens.
Contact : JO.DROGO@wanadoo.fr

voir aussi l'interview de Jo Drogo liée






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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