Paatos : Kallocain (2004 - cd - parue dans le Koid9 n°50)

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Est-il encore utile de présenter Paatos, ce groupe de Stockholm réunissant à l'origine les ex-Landberk Stefan Dimle et Reine Fiske aux côtés du couple Petronnella et Ricard Nettermalm, sans oublier Johan Wallen dont les claviers sont omniprésents ? Leur excellent premier album "Timeloss" avait lors de sa sortie fait l'unanimité (cf. chronique de Renaud Oualid, Koid?9 n° 44) même si comme le souligne Renaud on était déjà à l'époque assez loin de Landberk, flirtant plutôt avec le jazz et surtout le trip-hop à la Portishead.

Produit par Steve Wilson (le leader de Porcupine Tree), ce qui est désormais un gage de grande qualité, "Kallocain" enfonce le clou et consacre cette formation décidément hors du commun. A noter que Reine Fiske disparaît sur cet album, et est remplacé par Peter Nylander, un guitariste ayant acquis une expérience hip hop et jazz aux États Unis et très influencé par Peter Gabriel, Radiohead, King Crimson mais aussi Igor Stravinsky.

Le titre de l'album est celui d'un roman de science fiction que l'on doit à l'auteur féminin et suédois Karin Boye. L'histoire est celle d'une société totalitaire et de terreur vue au travers les yeux d'un scientifique idéaliste appelé Leo Kall. Il s'agit en fait d'un montage à partir de ce que Karin Boye a vu et ressenti dans la Russie et l'Allemagne des années 1930. L'intrigue principale tourne autour des rumeurs de sérum de vérité assurant la soumission de tout citoyen à l'état.

Et voilà le décor planté.

Toujours surprenant, Paatos ouvre l'album sur un air de violon tsigane? tiens, me serais-je trompé de CD ? Non non. Cet air symbolise sans doute les populations d'Europe de l'Est minoritaires martyrisées. Après cette brève intro on entre de plain-pied dans le vif du sujet avec la suite de l'excellent "gasoline" dominé par le violon et une basse grondante. La voix de Petronella Nettermalm ne se révèle véritablement que sur "holding on", le second morceau, et surtout sur le très mélodieux "happiness", troisième des 9 morceaux composant l'album. On pense à Björk à l'écoute de cette voix suave et charmante, manquant toutefois parfois un peu de peps. A Beth Gibbons de Portishead aussi, bien entendu.

Le mellotron est toujours aussi présent tout au long de ces 9 compositions assez diversifiées mais qui affirment leur style propre. Les cordes jouent un rôle important également. Entre électro et trip-hop atmosphérique on retrouve des accents spécifiquement prog (les claviers aident beaucoup en cela), parfois (beaucoup plus rarement que sur "Timeloss") jazzy mais aussi latino ("won't be coming back"), ethniques ("gasoline"). Au bilan, on ne s'ennuie pas un seul instant tout au long de ces plus de 50 minutes, même si les ambiances mélancoliques ("suddenly my only friend is loneliness" entend-on sur "happiness"?) et suaves dominent largement les riffs rageurs.

N'oublions par la marque de fabrique de Steve Wilson, perceptible à travers des arrangements particulièrement réussis que ce soit dans les passages "cool" ou les parties plus rock.

"Timeloss", pour excellent qu'il était, donnait l'impression d'un album hybride, cherchant un peu sa voie, à cheval entre le jazz, le trip-hop et le prog, entre la musique de Landberk et celle de Ägg, les deux formations à l'origine de Paatos. Si "Kallocain" demeure à cheval sur de nombreux styles il ne tombe plus dans les mêmes travers  : Paatos est devenu une formation à part entière, à la personnalité propre, affirmée, équilibrée et créative à souhait.

D'ailleurs, plutôt que de tourner en rond pour tenter de caractériser leur musique, peut-être vaut-il mieux et tout simplement reprendre le terme utilisé par le groupe lui-même pour la définir : "post-rock mélancolique".

Quoi qu'il en soit, cet album est un vrai bonheur!

Note : 5/5

Benoît Herr






Cet article provient de Koid'9 magazine rock & progressif

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